Deux jours après l’attaque ayant coûté la vie à neuf personnes à Buringa, commune Gihanga de la province Bubanza dans la nuit de dimanche à lundi, des résidents vivent encore la peur au ventre. Certains pensent au retour du calvaire, du moment que les auteurs n’ont pas été traqués. Au cours d’une réunion de sécurité animée ce mardi à Gihanga, le premier ministre Burundais Gervais Ndirakobuca, qualifié ces actes de crime ignoble. La population se demande à quand ces attaques récurrentes dans cette localité prendront fin. Des stratégies pour rétablir la paix la sécurité ont été adoptées dans cette réunion, mais les résidents semblent n’être pas rassurés. Ils demandent plutôt le renforcement de dispositifs sécuritaires.
Mercredi 28 février 2024, une accalmie revient petit à petit à Buringa, après l’attaque de la nuit du 25 au 26 février. 10h20 environ, les femmes, enfants, hommes tous âges confondus, viennent de tous les villages de Gihanga, par la 2 ème avenue, une piste qui mène jusqu’à la route nationale numéro 5 menant vers la province Cibitoke. C’est sur la même avenue qu’a été perpétrée l’attaque. Des conducteurs de vélos et voitures effectuent des tours, les opérateurs de petits métiers se trouvent déjà au poste de travail. Bruits de postes récepteurs, de moteurs et machines ne laissent le passant indifférent.
Malgré cette apparente accalmie, « rien n’est rassurant en souvenir du calvaire de dimanche. » lâche sous couvert d’anonymat, une jeune femme, 30 ans environ, proche de la famille ayant perdu sept membres fusillés au même moment.
En sanglot, notre source parle du cauchemar. « Le crépitement d’alarmes commence non loin de notre domicile où se déroulait le deuil pour le nôtre décédé. Un membre de la famille aperçoit un groupe d’hommes en uniformes militaires lourdement armés, et pointe une lampe torche à l’endroit du groupe. Celui tire directement de balles vers lui. Des tirs automatiques l’ont poursuivi jusqu’à l’intérieur de la maison où il finit sa vie », raconte-t-elle avant d’ajouter que les résidents n’ont encore eu d’espoir.
Un certain Elie Bukuru, réparateur de vélos trouvé à quelques mètres de la permanence du parti CNDD-FDD (parti au pouvoir au Burundi), une maison éventrée par des requêtes selon les résidents, ajoute que les gens craignaient pour leur sécurité si aucune réplique de la part de l’armée n’a lieu pour anéantir le groupe armé. Il estime qu’il y a risque que les assaillants reviennent pour commettre de nouveaux forfaits, et de conclure que lui et ses camarades ont opté pour rentrer très tôt dorénavant.
« Si les groupes armés, très actifs dans cette partie de la plaine ont de règlements de comptes avec le pouvoir ou avec qui que ce soit, au moins les citoyens innocents devraient être épargnés des attaques ou être informés de la nature des auteurs d’assassinats et de leur revendications », a suggéré un certain Habonimana. P. un ancien militaire démobilisé.
Les perturbateurs de l’ordre public connus
Dans son message de réconfort aux familles endeuillées, le premier ministre Burundais a, en début de la réunion animée ce mardi, déploré des attaques répétitives à Gihanga et a appelé à la responsabilité de tout un chacun pour le maintien de la sécurité publique. « Les perturbateurs de l’ordre sont connus. Ce sont pour certains nos enfants, nos frères et d’autres nos cousins. » a déclaré cette autorité publique. « Un enfant ou un frère “encombrant” ou trempé dans la perturbation de la paix et de la sécurité doit être écarté du groupe social parce que celui-ci n’a d’autres visées que de faire retourner le pays en arrière alors que nul n’ignore d’où est venu le Burundi », a-t-il ajouté. Le premier ministre Gervais Ndirakobuca a mobilisé l’auditoire pour que chacun se sente interpellé pour la solution à la problématique de l’insécurité.
« Chacun a une part de responsabilité, le maintien de la sécurité appartient à tous, il n’appartient pas au premier ministre ni au gouverneur de province de trouver solution. Nous devons tous y contribuer. Les éléments déclencheurs de l’insécurités sont connus de tous ici et même les voies de solution sont connues. Toutes les contributions sont alors à tenir en considération », a poursuivi le chef du Gouvernement.
Une série de stratégies sécuritaires adoptée
Bien qu’annoncés, « les frères encombrants » n’ont pas été communiqués à la presse. La réunion avec les partenaires de la sécurité publique des provinces Bujumbura, Bubanza et Cibitoke s’est poursuivi à huit clos, les journalistes n’ont eu droit qu’au communiqué sanctionnant la rencontre. Il a été lu par le porte-parole de la primature. Moise Nkurunziza a évoqué une série de stratégies sécuritaires qui vise à rétablir la paix et la sécurité dans cette zone riveraine de la réserve naturelle de Rukoko, sans préciser lesquelles. Seulement, M. Nkurunzirza a rassuré que ces stratégies produiront des résultats palpables et bénéfiques pour la paix et la sécurité de la zone.
Le choc loin d’être amorti
Des passants rencontrés au village II de la commune Gihanga témoignent tous leur insatisfaction. « Après l’attaque des civils innocents, nous espérerions voir des unités de patrouille renforcées, mais hélas, nous voici en train de circuler sans que nous voyions au moins un seul militaire ou policier comme c’était le cas les années antérieures en cas de scènes pareilles », se lamente une sexagénaire native de la zone Mitakataka en commune et province Bubanza, mariée à Gihanga.
Éric N. dit Mwarabu, conducteur de vélo craint de son côté de voir les heures de travail diminuer ou de croiser les assaillants vers le soir alors qu’il vit normalement du transport des bidons d’eau potable à vendre aux villages qui en accusent un manque criant.
Les habitants de Gihanga et des environs plaident à présent pour le renforcement des unités de patrouille militaire, évoquant le nombre de militaires diminué progressivement depuis un bout de temps.
Une attaque attribuée aux rebelles de Red-Tabara
Le gouvernement Burundais a dans la fraicheur des faits, condamné l’attaque en la qualifiant d’acte ignoble et barbare avant de l’attribuer au groupe armé de Red Tabara dont le cerveau serait hébergé au Rwanda selon les propos du secrétaire général de l’État.
Jérôme Niyonzima a exigé l’extradition de ce « cerveau » depuis le Rwanda et a mentionné que le gouvernement réitère son appel à tous les Burundais pour faire un front commun contre toute forme de terrorisme et à communiquer aux autorités compétentes tout mouvement suspect.
Revendiquant l’attaque de Gihanga à travers un communiqué signé par son porte-parole, le mouvement Red Tabara a nié s’être attaqué aux civils mais a tenu à signifier que ses combattants ont échangé le feu avec des jeunes du CNDD-FDD qui gardaient une permanence.
L’attaque perpétrée à Buringa dans la nuit du 25 au 26 févier 2024 a fait 9 morts dont un militaire de l’armée nationale, un bon nombre de blessées et a occasionné des dégâts matériels. L’incident intervient en moins de trois mois qu’une embuscade tendue par des inconnus au même endroit avait coûté la vie à 3 personnes qui étaient à bord d’une voiture de marque Toyota Probox totalement calcinée par des inconnus selon les témoins, c’était en décembre 2023.
Quoi qu’il en soit, combattre et neutraliser, ou faire appel à ces « frères encombrants », est une question qui reste sur les lèvres des habitants interrogés.
Par Nolis NDUWIMANA