Privés de terres depuis des décennies malgré les promesses gouvernementales, les Batwa de Buterere tirent la sonnette d’alarme. Entre pauvreté extrême, exclusion sociale et espoir d’une réforme foncière, ils interpellent les autorités pour enfin obtenir un droit fondamental : cultiver et habiter sur leurs propres terres.
Des Batwa de la zone Buterere dénoncent le manque de terres dont ils souffrent depuis de nombreuses années. Ils affirment n’avoir jamais reçu de terres afin de pouvoir vivre comme les autres Burundais, malgré les promesses déjà faites.
« Nous attendons depuis longtemps, après avoir entendu à la radio qu’il y a des terres réservées aux Batwa. Mais nous avons constaté que les Batwa d’autres provinces ont obtenu des terres, tandis que nous ne savons toujours pas quel sera notre sort en tant que Batwa de Buterere. Pourtant, nous avons des enfants. Nous demandons à ce nouveau gouvernement de penser à nous et de nous donner des terres comme il l’a fait pour les autres », raconte une femme rencontrée sur le site de Nyarumanga, dans cette même zone.
Cette absence de terres pour les Batwa de Buterere plonge leurs familles dans une pauvreté extrême, déplore un septuagénaire rencontré sur le site de Nyarumanga. « Que le nouveau gouvernement plaide pour nous, afin que nous ayons un endroit où loger et des terres à cultiver pour faire vivre nos familles », ajoute-t-il.
Ces populations autochtones regrettent que leur force de travail soit mise au service des autres, principalement dans des travaux journaliers, au lieu d’être utilisée pour cultiver leurs propres terres. Cette situation maintient leurs familles dans une insécurité alimentaire permanente.
« Nous avons des enfants qui vont à l’école. Qu’ils nous donnent donc ces terres dont nous entendons toujours parler de la part de l’État… Nous avons la force de cultiver ; d’ailleurs, nous travaillons déjà pour les autres dans le cadre de tâches journalières, afin de nourrir nos enfants. Qu’ils nous donnent ces parcelles pour voir comment nous allons les exploiter », demande une autre personne du même site.
Pour Akimana Sandrine, de l’organisation Unissons-nous pour la Promotion des Batwa (UNIPROBA), les Batwa du Burundi sont exclus dans presque tous les domaines, notamment dans l’éducation, où ils n’ont pas le privilège de poursuivre leurs études à l’étranger comme les autres. Ils manquent également de logements et ne disposent pas de propriétés foncières, ce qui, selon elle, conduit de nombreux Batwa en prison pour des cas de vols.
Elle souligne que seul le gouverneur de l’ancienne province de Bururi avait procédé à la distribution de terres en commune Matana.
Lors de la célébration de la Journée internationale des peuples autochtones, le représentant des Batwa a, lui aussi, formulé des recommandations. Il a demandé que soient prises des mesures d’accompagnement pour que les Batwa obtiennent les terrains promis et qu’ils soient enregistrés dans le titre foncier. Il a également réclamé que soient rétablis dans leurs droits les Batwa encore victimes de servage, comme promis par le Chef de l’État en 2023.
Dans son discours à l’occasion de cette journée, le Président de la République a fait savoir qu’il est aujourd’hui satisfaisant de voir la communauté Batwa revendiquer ses droits, et il a salué les progrès réalisés grâce au soutien du gouvernement, ce qui, selon lui, n’était pas le cas sous les gouvernements précédents. C’est pourquoi il a réaffirmé que la communauté Batwa doit impérativement avoir accès à la propriété foncière afin de pouvoir participer à l’agriculture et à l’élevage, comme les autres citoyens. Il a expliqué que la Constitution burundaise garantit à chaque Burundais le droit de jouir pleinement de ses droits, notamment celui d’avoir un domicile.
Le Chef de l’État a précisé que, même si les terres domaniales restent limitées, tous les Burundais doivent partager équitablement le peu qui reste, y compris avec les Batwa, car cela représente une justice pour tous. Selon lui, toute forme de discrimination doit être éradiquée sans exception, afin d’éviter que le pays ne retombe dans les erreurs du passé.
Dans une interview accordée à la radio Indundi Culture en mars de cette année, le porte-parole du ministère de la Solidarité de l’époque, Ildéphonse Majambere, avait précisé qu’une commission interministérielle avait été mise en place pour identifier les terres pouvant être attribuées aux ménages batois, conformément aux promesses faites.
« Nous avons travaillé et même attribué des terrains pour l’équipement des Batois ; ces terres ont été identifiées et sont disponibles. Nous sommes toujours à l’œuvre. À ceux qui attendent, nous demandons de faire confiance aux institutions de l’État. Une fois que les terrains sont disponibles, nous les attribuons aux bénéficiaires. Nous veillons à identifier des terrains qui pourront être productifs pour eux. C’est cette phase d’identification qui retarde l’action ; sinon, la préoccupation reste la même depuis l’annonce de la promesse d’attribution des terrains à la population batoise. Nous avons travaillé dans plusieurs communes et provinces.
Si quelqu’un n’a pas trouvé une issue favorable cette année, je tiens à le rassurer : chaque année, nous continuons à travailler avec nos structures provinciales et communales, ainsi qu’avec d’autres partenaires. Des projets sont développés par des associations. Si, par exemple, nous prévoyions d’assister 600 ménages et que nous nous retrouvons avec 2 000 ou 3 000 demandes, il est évident que tous ne pourront pas être assistés la même année. L’essentiel est de rappeler que nous évaluerons toujours la demande afin de pouvoir y répondre progressivement », avait-il déclaré.