Faustin Ndikumana, directeur national de l’organisation Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Évolution des Mentalites (Parcem), alerte sur la gestion des finances publiques au Burundi. À l’occasion de l’examen à mi-parcours de l’exécution du budget de l’État, il met en garde contre la baisse des recettes, la hausse de l’inflation, l’économie informelle et l’enrichissement illicite qui fragilisent les finances publiques. Selon lui, la maîtrise des dépenses, le suivi rigoureux par la Cour des comptes et la modernisation des infrastructures, notamment à travers le programme d’investissement public, sont essentiels pour assurer transparence, efficacité et développement durable.
La révision budgétaire à mi-parcours de l’exécution du budget de l’État constitue une étape essentielle pour évaluer la gestion des finances publiques. Pour Faustin Ndikumana, directeur national de la Parcem, le retour de cette pratique est une avancée majeure, après une période où ce principe avait pratiquement disparu du processus budgétaire.
« Nous nous réjouissons que la révision budgétaire soit redevenue un principe. Il est indispensable, à un moment donné, de faire un rapport et un examen à mi-parcours pour apprécier l’état réel de l’exécution du budget », souligne-t-il. Selon lui, cet exercice permet non seulement de mesurer l’efficacité de l’action publique, mais aussi de corriger les dérives éventuelles avant la fin de l’exercice budgétaire.
Faustin Ndikumana insiste sur la nécessité que toute révision budgétaire soit précédée d’un rapport détaillé et rigoureux. Celui-ci doit présenter de manière claire l’état d’exécution du budget, aussi bien du côté des dépenses que des recettes.
Sur le volet des recettes, le directeur de la Parcem alerte sur la baisse persistante des taxes liées aux importations, conséquence directe de la diminution des importations provoquée par la crise des devises. Or, rappelle-t-il, les taxes à l’importation représentent une source majeure de revenus pour le budget de l’État, ce qui rend cette situation particulièrement préoccupante.
Inflation, fraude et enrichissement illicite menacent les recettes publiques
À ces difficultés s’ajoutent d’autres facteurs structurels qui fragilisent la mobilisation des recettes publiques. L’inflation, explique Faustin Ndikumana, pèse lourdement sur le commerce intérieur. La réglementation sur les produits de première nécessité, bien qu’ayant un objectif social, limite également la collecte des taxes liées aux transactions commerciales.
Par ailleurs, l’essor de l’économie informelle, du marché parallèle qui finance certaines importations et du commerce illicite du carburant contribue à renforcer l’économie souterraine. « Cette économie échappe largement à la perception des taxes par l’État, notamment à travers les exonérations fiscales », déplore-t-il.
Justement, les exonérations constituent un autre sujet d’inquiétude. Selon Faustin Ndikumana, elles ne cessent d’augmenter, sans qu’aucune mesure efficace ne soit prise pour enrayer cette hémorragie fiscale.
Face à cette situation, la Parcem plaide pour l’introduction d’une taxe sur la fortune. Faustin Ndikumana dénonce un enrichissement illicite « flagrant et révoltant », y compris au sein de l’appareil étatique. Il évoque également l’existence de pratiques de blanchiment d’argent, sans mécanismes suffisants pour identifier et taxer ces fortunes qui échappent au fisc.
« Sans une taxe sur la fortune, ces richesses restent hors du champ de la fiscalité, ce qui constitue un véritable problème pour l’équité et la justice fiscale », insiste-t-il.
Maîtrise des dépenses et rôle de la Banque centrale
Du côté des dépenses, Faustin Ndikumana appelle à une maîtrise renforcée des dépenses de fonctionnement. Il met particulièrement en garde contre le recours excessif aux avances de la Banque centrale pour financer le budget de l’État, un mécanisme qu’il considère comme un facteur majeur d’aggravation de l’inflation.
Pour améliorer l’efficacité de l’action publique, il recommande également une application rigoureuse du budget-programme, afin d’assurer une meilleure exécution des programmes de développement et une utilisation plus rationnelle des ressources publiques.
S’agissant de la nouvelle découpe administrative, le directeur national de la Parcem reconnaît son importance, mais souligne que sa réussite dépendra de la capacité financière et technique des entités décentralisées, notamment les communes. Cela inclut la disponibilité de logiciels de gestion, de personnel comptable qualifié et d’équipements adéquats.
Il appelle également à l’adoption de textes juridiques d’accompagnement, indispensables pour clarifier les responsabilités de chaque acteur et éviter les chevauchements ou les zones de flou dans la gestion des ressources publiques.
Finances publiques : contrôle renforcé et investissements transparents
Faustin Ndikumana insiste enfin sur le rôle crucial des organes de contrôle, en particulier la Cour des comptes, afin d’assurer un suivi rigoureux de l’utilisation des fonds publics, notamment au niveau communal. « Il faut suivre l’argent pour vérifier s’il produit réellement des résultats concrets », martèle-t-il.
Le programme d’investissement public est également au centre de ses préoccupations. Pour lui, le développement d’un pays se mesure à travers la modernisation de ses infrastructures : routes, bâtiments publics, électricité, Internet, communications et aéroports. Cette modernisation doit être clairement visible dans le budget à travers un programme d’investissement public clair, cohérent et crédible.
À ce titre, il cite l’exemple de la construction d’un nouvel aéroport à Bugendana, un projet évoqué depuis longtemps mais jamais concrétisé. Dans un contexte géopolitique régional et sous-régional en mutation, il estime que cette infrastructure devient de plus en plus nécessaire. Toutefois, sa réalisation doit impérativement s’appuyer sur un programme bien défini, un budget réaliste et des procédures de passation des marchés transparentes, afin de garantir la qualité de l’ouvrage.
En conclusion, Faustin Ndikumana appelle à un suivi rigoureux de l’exécution budgétaire, soutenu par une participation citoyenne accrue. Pour lui, la transparence, le contrôle et l’implication des citoyens sont des leviers essentiels pour améliorer la gouvernance des finances publiques et favoriser un développement durable et équitable.

























