La problématique du chômage des jeunes constitue une “bombe à retardement” pour le Burundi, prévient M. Charles Kabwigiri, expert en entreprenariat et professeur de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université du Burundi (UB).
Dans une interview accordée mercredi à Xinhua, M. Kabwigiri a fait remarquer qu’en dépit du manque de statistiques “assez claires” sur l’ampleur de cette problématique au niveau global, les constats en la matière demeurent préoccupants dans la mesure où les jeunes constituent une frange majoritaire de la population burundaise.
Selon l’Institut des Statistiques et des Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU), les jeunes âgés de 18 à 35 ans représentent 52% de la population burundaise.
ETATS DES LIEUX SUR LE CHOMAGE DES JEUNES
“Aujourd’hui, le Burundi abrite plus d’une vingtaine d’universités, qui sortent chaque année des lauréats, alors qu’il y a très peu de recrutements sur le marché de travail, particulièrement au niveau du ministère de la Fonction Publique où les nouveaux recrutements sont gelés depuis plusieurs années, sauf pour le remplacement des décès ou des départs en retraite”, a-t-il précisé.
L’expert a qualifié de très minime le nombre d’unités recrutées pour remplacer les fonctionnaires décédés ou ceux qui sont partis en retraite, eu égard à l’immensité de la demande qui se présente sur le marché burundais de travail.
Le Pr Kabwigiri a souligné que cette problématique prévaut également pour les lauréats des enseignements secondaires, qui n’accèdent pas à l’enseignement supérieur, mais qui souhaiteraient se faire embaucher avec un tel niveau de formation.
Avec le taux élevé de déperditions constaté au cours du cursus scolaire et académique, beaucoup de jeunes burundais, y compris ceux appartenant à la catégorie de la frange non scolarisée, sont frappés par ce phénomène de sous-emplois, a-t-il expliqué.
“Plusieurs jeunes burundais, dotés d’une qualification professionnelle, et qui s’embourbent longtemps dans le chômage, constituent pour le long terme une bombe à retardement pour le Burundi, dans la mesure où cette situation de vulnérabilité sociale les expose à toute forme de manipulations”, a souligné l’expert.
Le désœuvrement de ces jeunes, ainsi laissés à eux-mêmes faute de circuit économique d’insertion socioprofessionnel, a-t-il explicité, peut conduire beaucoup d’entre eux à diverses “déviations” sociales, particulièrement pour des sollicitations orientées vers les actes de banditisme, le recrutement auprès des bandes armées et le vagabondage sexuel.
Selon l’expert Kabwigiri, la question la plus angoissante au Burundi en ce qui concerne la problématique de chômage des jeunes est que cette population burundaise, pourtant majoritaire et dotée d’une force productive, “semble n’avoir pas de perspectives vis-à-vis de l’avenir”.
Pour lui, cette problématique s’est enlisée au cours des quatre décennies du Burundi postcolonial, pour cause de manque d’une politique globale de développement du pays pour le long terme.
“Il y a, à peine une année, le Burundi s’est doté d’une politique nationale de l’emploi, conçue et formalisée dans un document officiel. Toutefois, cette politique innovante, dont la vision insiste sur l’adaptation de la formation scolaire et académique aux besoins existant sur le marché de l’emploi, n’est pas encore mise en oeuvre”, a-t-il signalé.
Le Pr Kabwigiri a aussi indiqué que l’absence d’une culture entrepreneuriale au Burundi participe également dans l’approfondissement du “fossé” du chômage des jeunes.
Là où le bât blesse, a-t-il insisté, c’est qu’au cours des quatre décennies ayant suivi le recouvrement de l’indépendance du Burundi en juillet 1962, les différents gouvernements ont formé “des demandeurs de travail, en lieu des créateurs de travail”.
PISTES DE SOLUTIONS
Aujourd’hui, a recommandé le Pr Kabwigiri, avec le quasi-gel des recrutements à la fonction publique, il faut rompre le cercle vicieux en s’appuyant sur cette nouvelle politique de l’emploi validée en novembre 2015.
Au cœur de cette politique, a-t-il révélé, se trouve la mise en place des structures d’encadrement des jeunes pour les aider à créer leurs propres emplois.
Pour le Pr Kabwigiri, ces structures, doivent être accompagnées par la mise en place des “fonds de promotion” pour l’entrepreneuriat des jeunes au Burundi, afin de produire des résultats escomptés.
Le défi de taille du moment pour les jeunes burundais, a-t-il insisté, est l’accès au financement dans un environnement bancaire burundais où l’octroi du crédit est conditionné par la présentation des garanties ou des hypothèques.
Une conception “rapide” des mécanismes de renforcement d’une culture entrepreneuriale chez les jeunes burundais serait salutaire pour le pays si l’on veut relever les divers défis en la matière, a-t-il estimé.
“La formation dispensée devrait dorénavant inaugurer une nouvelle ère en changeant la dynamique de former des demandeurs d’emploi, pour promouvoir celle de création d’emplois, et ce peu importe les domaines”, a-t-il plaidé.
Par ailleurs, a-t-il recommandé, les jeunes talents burundais en herbe devraient être accompagnés pour éviter que les petites et moyennes entreprises créées(PME), soient des mort-nées.
Au regard des statistiques en la matière, le taux de mortalité de jeunes micro-entreprises burundaises est élevé, a-t-il fait remarquer que beaucoup d’entre elles disparaissent rapidement au lendemain de leur démarrage.
Pour M. Kabwigiri, le développement d’une culture entrepreneuriale chez des jeunes burundais pour faire reculer le chômage, devrait s’inspirer du savoir-faire régional en la matière, en se référant à l’expérience de certains pays de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), qui regroupe le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi.
“Le concept de culture entrepreneuriale a déjà beaucoup évolué dans le monde anglo-saxon. C’est pourquoi, au sein de la CAE, le Burundi devrait s’inspirer du savoir-faire des pays anglophones, notamment en Tanzanie, en Ouganda, et surtout au Kenya où on parle aujourd’hui des incubateurs d’entreprise”, a-t-il signalé.
Le Rwanda, voisin du Burundi, a laissé émerger des initiatives similaires pour promouvoir la culture entrepreneuriale, a-t-il révélé, précisant que l’Etat rwandais participe dans le financement des micro-entreprises montées par des jeunes.
Pour que le Burundi réussir la lutte contre le chômage chez les jeunes dans les décennies à venir, la prise en compte de développement d’une culture entrepreneuriale chez cette catégorie de la population burundaise devrait “être la priorité des priorités”, a recommandé l’expert.
Burundi : La problématique du chômage des jeunes constitue une “bombe à retardement”.
What's your reaction?
Related Posts
Bujumbura : L’eau de forage, une solution urgente face au manque criant d’eau potable dans les marchés
De nombreux marchés en mairie de Bujumbura sont confrontés à un problème…
Maladies et insectes menacent les champs de tomates à Murembwe
Dans la vallée de Murembwe, en province de Rumonge, les producteurs de tomates…
Le Burundi se mobilise pour les réfugiés congolais
Plus de 35 000 réfugiés congolais ont déjà été enregistrés par le Burundi depuis…
Une alimentation équilibrée, garantie de l’avenir de l’enfant
La malnutrition infantile constitue un des handicaps majeurs à la croissance et…
La commune Mishiha fait face à la sécheresse
Certaines collines de la commune Mishiha en province Cankuzo font face à une…
Burundi/Elections 2025 : La Société civile demande la transparence du scrutin
Lors d’une séance d’échange entre la CENI, les ONGs et les médias de ce 12…
« A quoi a servi les frais de 2022 ? »
Des pêcheurs et propriétaires des bateaux de pêche disent ignorer en quoi…
L’APAA lance un appel à l’action pour l’assainissement en Afrique
L'Association Panafricaine des Acteurs de l'Assainissement (APAA) a…
Élection de deux nouveaux commissaires à la CVR par le Parlement burundais
Le Parlement burundais a élu ce jeudi de nouveaux membres pour la Commission…
Attribution des parcelles à Nkenga-Busoro : Des promesses non tenues
La distribution des parcelles viabilisées à Nkenga-Busoro en zone Kanyosha au…
Kirundo face à la sécheresse : Plus de 22000 familles touchées, des solutions en cours
La province de Kirundo, confrontée à une grave sécheresse, déplore la perte de…
Mutimbuzi : Une lutte d’insectes réussie
Des attaques d’insectes et de chenilles sur les champs de maïs en commune…
Gatumba : Les transporteurs pris en otage par les embouteillages liés au carburant
Les transporteurs opérants entre le Burundi et la République Démocratique du…
Ngozi : Entre pauvreté, tensions familiales et dislocation des couples
Des femmes victimes de ruptures conjugales pointent du doigt les maris comme…
La SOPEBU : Une solution à la pénurie de carburant ?
La mise en place de la Société Pétrolière du Burundi (SOPEBU) ainsi que…
Makamba : Paralysie du transport suite à la pénurie de carburant et à la hausse des prix
Depuis le 3 février 2025, les transporteurs de la province de Makamba sont en…
Ngozi : Des producteurs inquiets de la baisse de la production de haricots
Les agriculteurs de la colline Buye en commune Mwumba de la province Ngozi sont…
Propreté et gestion des déchets : un enjeu quotidien dans les marchés de Bujumbura
Les marchés de Kinama, Kamenge et Cotebu, situés dans la commune de Ntahangwa en…
Le dialogue et le consensus, clés de la stabilité en Afrique de l’Est
Les membres de la communauté africaine devraient normalement privilégier le…
Bujumbura : Vers l’éradication de la corruption chez les responsables administratifs locaux
Lors d'une récente réunion, les pratiques de corruption, notamment les…