La contraception. Parfois comprise ou non, elle reste une alternative pour encadrer la limitation des naissances, l’espacement des naissances, la protection contre les maladies, etc. La contraception est aussi l’une des réponses aux défis de la croissance démographique mais aussi une alternative pour les femmes pour leur participation de manière équitable dans la vie socio-économique. Des habitants de la commune Mutambu racontent …
Burundi. Nous sommes au mois d’octobre 2024. Alors que les projections démographiques probabilistes révèlent une croissance démographique dans tout le pays aux environs de 14 millions de personnes en 2024 alors qu’elles prévoyaient 12 millions en 2022, une enquête générale de la population est en cours de réalisation pour donner une idée précise sur l’état des lieux. Tout compte fait, les projections concordent pour montrer que les femmes représentent plus de la moitié de la population, et que la majorité de la population est jeune.
La rédaction de la Radio Indundi Culture qui s’intéresse à la documentation de la place et le rôle de la femme dans la vie socio-économique des communautés rurales s’est rendu dans la commune de Mutambu pour tourner une émission-débat avec des acteurs communautaires et administratifs. Un échange riche a été fait sur la grande contribution des femmes dans la vie socio-économique de la commune. Toutefois, il est revenu un défi majeur, évoqué à plusieurs reprises par les intervenants, et qui a trait aux défis de la croissance démographique et ses conséquences sur la contribution de la femme dans la vie socio-économique : une lente adhésion à la contraception.
Témoignages
Pascasie Niyingarukiye, une femme de la colline Murambi, zone Gomvyi confie : ” J’ai trente-trois ans. Dans dix ans de mariage, j’ai déjà cinq enfants. Mon mari a refusé que j’adopte une méthode contraceptive. C’est une source permanente de conflits entre nous. Avec la vie qui devient chère, il devient ainsi de plus en plus difficile de subvenir aux besoins de nos cinq enfants, et j’ai peur de continuer à mettre au monde, car je suis encore très jeune. Avec beaucoup de naissances, mon corps aussi s’épuise et je n’arrive pas à trouver du temps pour faire des activités afin d’aider mon mari à trouver de l’argent pour qu’on s’en sorte car nos enfants ont besoin d’une bonne alimentation, des soins de santé, des habits, etc. ”
Phocas Nsabimana de la colline Rubanda témoigne : “Avant, je n’avais pas confiance dans les méthodes contraceptives. Mon premier enfant avait une année et huit mois quand le deuxième est né. C’est alors que j’ai constaté le risque de ne pas espacer les naissances. J’ai alors été ouvert à la discussion avec ma femme sur l’adoption d’une méthode contraceptive. Depuis lors, tous les trois mois, elle se rend au centre de santé pour le suivi médical. C’est comme ça que nous avons pu espacer les naissances du 2e et 3e enfant. Nous avons eu le 3e enfant lorsque le 2e enfants avait six ans. Heureusement, ma femme n’a aucun effet secondaire.”
Une réelle méfiance des méthodes contraceptives
Lors des échanges riches, démontrant une méfiance face à l’usage des méthodes contraceptives, certains participants affirmaient “qu’il faut avoir du sang froid pour oser utiliser ces méthodes ; “Qu’il faut respecter les croyances et la culture burundaise qui encourage de faire beaucoup d’enfants” ; “Qu’il ne faut pas respecter les lois étatiques qui risquent de mettre (les couples) en conflit avec les lois de Dieu” ; ” Qu’à l’église, les pasteurs et les prêtres enseignent qu’avec l’utilisation des méthodes contraceptives c’est comme ôter la vie aux enfants dans le sein de la maman.” ; etc.
Suite à cette méfiance culturelle et compte tenu du nombre important de chrétiens dans la commune, certains sont ouverts à l’adoption de la contraception et le font souvent à des fins de limitation des naissances. Ils préfèrent utiliser les méthodes naturelles pour se conformer aux directives de leurs églises respectives. C’est l’exemple de Donatile Nduwimana et son mari qui se réjouissent d’avoir pu espacer les naissances de leurs trois enfants :”Nous en avons convenu avec mon mari d’espacer les naissances. Nous utilisons la méthode naturelle. Ça marche très bien.”. D’autres par contre, comme Evelyne Gakuyano, enseignante au Lycée communal Mutambu, adoptent la méthode naturelle à la suite d’une tentative non réussie de l’usage certaines méthodes, comme les pilules, les implants, contraceptifs, injectables ou autres : “Après l’échec de l’utilisation des méthodes contraceptives, je m’en suis remis aux méthodes naturelles pour espacer les naissances”, confie Gakuyano.
Un renforcement de sensibilisation nécessaire
Selon Phocas Nsabimana des sensibilisations sont nécessaires pour que les gens s’imprègnent des avantages de la contraception.
Evelyne Gakuyano, elle, a constaté à son école, que les cas de grossesses non-désirées qui arrivent entrainent des abandons scolaires. Elle a alors commencé un club santé pour sensibiliser les élèves sur la santé sexuelle et reproductive.
Quant à Ndikuriyo, chef de la zone Gomvyi, la responsabilité des églises est très importante. ” Je pense que la seule solution reste la sensibilisation. Il faut aussi que les leaders religieux soient tout d’abord sensibilisés sur les bienfaits de l’espacement des naissances pour permettre un épanouissement des ménages. Le pays s’en portera mieux” indique-t-il Ndikuriyo, en informant aussi que suite aux défis de surpopulation et boom des naissances, certains maris abandonnent leurs foyers et leurs femmes viennent s’adresser à l’administration pour demander assistance.
Rappelons que la Commune Mutambu occupe une superficie de 102,4 kilomètres carrés et compte 70 300 habitants.