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Le dépotoir de Buterere, symbole d’un chaos environnemental

À Buterere, en commune Ntahangwa en province de Bujumbura, le principal dépotoir de la capitale économique s’étend au milieu des habitations, exposant des milliers de riverains à des risques sanitaires majeurs. Entre odeurs pestilentielles, fumées toxiques, contamination des eaux et épidémies récurrentes, ce site à ciel ouvert est devenu une véritable bombe environnementale et sociale. Alors que la délocalisation est annoncée depuis des années, l’inaction des autorités laisse planer la menace d’une crise sanitaire de grande ampleur.

Situé en commune Ntahangwa, au nord de la ville de Bujumbura, le dépotoir de Buterere continue de susciter de vives inquiétudes chez les habitants comme chez les spécialistes de la santé environnementale. Ce site, où sont acheminées chaque jour des tonnes d’ordures provenant de toute la capitale économique, est devenu au fil du temps une menace permanente pour les populations avoisinantes. L’absence de mesures concrètes et durables pour le gérer a transformé ce dépotoir à ciel ouvert en un véritable foyer de pollution, d’insalubrité et de risques sanitaires graves.

Dès l’arrivée sur les lieux, les visiteurs sont saisis par des odeurs pestilentielles et par des nuées de mouches qui envahissent l’espace. Malgré ces conditions extrêmes, des dizaines de maisons ont été construites tout autour du site au fil des années. Des familles entières vivent ainsi littéralement au pied des montagnes d’immondices. Les habitants expliquent avoir choisi ces terrains pour leur prix abordable, faute d’alternatives. Mais cette proximité forcée avec le dépotoir pèse lourdement sur leur quotidien : fumées toxiques, invasion d’insectes et de rongeurs, risques élevés de maladies… les dangers sont multiples.

Pour les enfants, particulièrement vulnérables, cette cohabitation avec les déchets représente une menace permanente. Les jeux, les repas, le sommeil — tout se déroule dans un environnement saturé de polluants et de microbes.

Quand la survie passe par la fouille des déchets

Deux enfants pieds nus au milieu des ordures à Buterere
Deux enfants pieds nus au milieu des ordures à Buterere

Autour et au cœur du dépotoir, un autre phénomène interpelle : des hommes, des femmes et même des enfants fouillent chaque jour les tas de déchets dans l’espoir d’y récupérer quelque chose d’utile ou revendable. Pour certains, il s’agit de trouver des aliments encore consommables ; pour d’autres, de dénicher du plastique, du métal ou des objets réutilisables. Cette activité, devenue un moyen de survie faute de revenu stable, expose pourtant ces personnes à des risques d’infections graves, de blessures, de maladies respiratoires ou encore d’intoxications.

Nombre de ces familles affirment ne pas avoir d’autre source de subsistance. « Nous n’avons pas le choix », confie un jeune homme croisé sur le site. « Nous venons ici pour trouver quelque chose à manger ou à vendre. » Une détresse sociale qui renforce l’urgence d’une intervention structurelle.

Des déchets brûlés à ciel ouvert : un poison pour l’air

Pour réduire le volume des déchets, une partie est régulièrement brûlée sur place. Mais les tas contiennent souvent du plastique, des pneus, des textiles synthétiques et d’autres substances hautement toxiques. Leur combustion libère dans l’air des particules fines et des composés chimiques dangereux, dont certains sont reconnus cancérogènes.

Les habitants des quartiers voisins rapportent fréquemment des irritations oculaires, des difficultés respiratoires, des toux persistantes et des maux de tête récurrents. La qualité de l’air s’en trouve considérablement dégradée, et les risques à long terme sur la santé sont considérables.

Des légumes cultivés dans une terre polluée

Sur les pentes du dépotoir, certains habitants cultivent des légumes, principalement des amarantes, pour nourrir leurs familles ou les vendre. Ces cultures sont arrosées à partir de sources d’eau potentiellement contaminées par les lixiviats du dépotoir. Or, les sols riches en métaux lourds et autres substances toxiques transmettent ces contaminants aux plantes.

Des experts mettent en garde : consommer ces légumes peut entraîner des maladies chroniques, notamment des problèmes rénaux, des troubles du système nerveux ou des intoxications progressives. Cette situation ajoute une dimension supplémentaire à la crise sanitaire qui se joue à Buterere.

Une menace croissante pour les eaux souterraines et le lac Tanganyika

Selon plusieurs spécialistes, les lixiviats — ces liquides chargés de polluants issus de la décomposition des déchets — s’infiltrent dans le sol sans aucune barrière de protection. Cette infiltration menace la nappe phréatique de la zone et, à plus grande échelle, les eaux du lac Tanganyika, situé à quelques kilomètres seulement.

Déjà confronté à diverses formes de pollution, le lac pourrait subir une dégradation encore plus sévère si les contaminants issus du dépotoir y parviennent en grande quantité. Les conséquences seraient dramatiques pour la faune aquatique, la biodiversité, mais aussi pour les habitants qui dépendent du lac pour leur alimentation et leur eau potable.

Pulverisation de cette montagne pour lutter contre le cholera
Pulverisation de cette montagne pour lutter contre le cholera

La partie nord de la mairie de Bujumbura a récemment enregistré une recrudescence de cas de choléra. Les spécialistes lient cette flambée épidémique à la proximité du dépotoir, aux eaux stagnantes et aux conditions d’hygiène précaires dans les quartiers environnants. Tant que le dépotoir restera à son emplacement actuel et continuera de s’étendre, le risque d’épidémies restera élevé.

 

 

 

 

Une délocalisation annoncée depuis des années… mais toujours au point mort

Depuis plusieurs années, les autorités promettent la délocalisation du dépotoir vers un nouveau site à Bubanza. En 2016 déjà, l’administrateur de la commune Ntahangwa, Ernest Niyonzima, reconnaissait l’urgence de la situation et affirmait que « les immondices ne peuvent pas cohabiter avec les habitants ». Il indiquait qu’un terrain avait été identifié dans la zone Muzinda, mais que le projet était bloqué faute de moyens financiers.

Des années plus tard, les travaux n’ont toujours pas commencé. Les retards s’expliquent par l’absence de financement, un manque de coordination entre les institutions et, selon certains observateurs, un déficit de volonté politique. Pendant ce temps, le dépotoir continue de s’étendre au rythme de la croissance démographique et économique de Bujumbura.

Les experts sonnent l’alarme : agir avant la catastrophe

Pour les spécialistes en environnement, en urbanisme et en santé publique, il est urgent de prendre des mesures fortes. Ils qualifient le dépotoir de Buterere de « bombe sanitaire » menaçant la ville entière. Parmi leurs recommandations figurent la délocalisation rapide du site, l’installation d’un système moderne de traitement des déchets, la mise en place de mesures sanitaires strictes et la sécurisation des zones d’habitation voisines. Ils insistent également sur la nécessité de créer des programmes sociaux pour accompagner les familles dépendantes de la fouille des déchets et leur offrir des alternatives viables.

 

Journaliste reporteur , fact-checker, créateur de contenus, responsable des réseaux sociaux à la Radio Indundi Culture, et contributeur wikimedien

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