L’organisation « Hope New Generation » militant en faveur de la jeunesse se montre très préoccupée par des cas de maltraitance auxquels sont soumises les jeunes filles victimes des grossesses non désirées en milieu scolaire au Burundi. Le sujet était au centre du débat vendredi, 24 janvier 2025 entre cette ONG locale et les parties prenantes à Bujumbura. Les intervenants ont recommandé la lecture entre les lignes et l’application stricte du cadre légal en vigueur au Burundi pour renforcer plutôt la résilience face au phénomène mais surtout que le dialogue autour de la santé sexuelle et reproductive soit ouvert et franc entre enfants-parents.
Aussi longtemps que les chiffres des cas de grossesses en milieu scolaire gonflent à travers le pays selon les différents rapports, les intervenants en cette journée d’échange n’ont pas caché leur inquiétude et indignation du moment que la réaction immédiate des communautés est encore de traiter les victimes de tous les maux. En cette session inaugurale, l’organisateur a déclaré « un combat » sans merci contre cette attitude jusqu’au fin fond du pays
« Le constat dans les communautés est amère. Les victimes sont nos enfants, nos sœurs, nos cousines, nos nièces…, donc c’est inquiétant. Nous lançons quelque chose d’inaugural dans un arsenal d’autres actions à mener dans le sens de promouvoir la résilience au phénomène de grossesse en milieu scolaire, objet d’ailleurs de cette journée de dur labeur avec les intervenants dans ce domaine », a indiqué Dr Léonard Ngendakumana, président de l’association, déplorant les cas d’abandons scolaires qui touchent spécifiquement les filles notamment par le rejet social et la stigmatisation, alors que les auteurs de ces grossesses ne sont pas inquiétés.
« Le pire des choses est quand la fille en tant qu’enfant (mineur), contrainte d’être maman d’un autre enfant, se voit intimidée et sommée de ne pas tenter de divulguer l’auteur de sa grossesse. D’autre part, c’est l’origine des mariages précoces chez les filles encore sur le banc de l’école », a ajouté en mauvais humeur Mr Ngendakumana
De lourdes sanctions
A l’école comme en famille, les intervenants dans cette journée de réflexion ont fustigé de « sanctions de trop » conduisant les victimes à la perte de l’estime de soi. Le Directeur général adjoint de l’association Solidarité de la Jeunesse Chrétienne pour la paix et l’enfance SOJEPAE-Burundi, s’est montré très attristé qu’une fois les filles reconnues être enceintes, les décisions de leur renvoi sont publiquement proclamées, tous les élèves rassemblés au drapeau.
David Ninganza n’y va pas par quatre chemins : « C’est grave, même inacceptable ! Le directeur d’école, en sa qualité d’éducateur, ne devrait pas contribuer à stigmatiser l’enfant. Appeler les élèves au drapeau pour leur dire que voilà, telle a mis au monde, ou bien elle est enceinte, ou la chasser devant tout le monde avec des injures, c’est contre la loi, c’est inhumain. Elle est victime d’une grossesse de non désirée, elle doit être protégée et accompagnée pour au moins sauvegarder sa santé et celle du futur bébé ».
Ce militant des droits des enfants estime qu’une victime nécessite un accompagnement, un message pacifique. Le directeur ne peut pas dire : « Ah tu viens, on va te prendre à l’hôpital pour faire des tests de grossesse.» Non, ce n’est pas son rôle.
Pour lui, le problème se pose au niveau des ministères sectoriels qui ne se mettent pas ensemble pour statuer sur certains cas. Par exemple, un élève qui viole le règlement scolaire devrait être puni mais protégé en son intégrité conformément aux conventions relatives aux droits de l’homme ratifiées par le Burundi. Il dit ne pas comprendre pourquoi par exemple une fille engrossée se voit obligée de rester à la maison pour allaiter son enfant conformément au règlement scolaire en vigueur qui fixe à 12 mois le délais minimum de réintégration scolaire après l’accouchement alors que le ministère en charge de la santé publique fixe la période d’allaitement maternel complet à seulement six moi. « Pourquoi cette différence que de nuire à l’enfant en faisant trainer sa réintégration scolaire après l’accouchement ? Pourquoi tout cela dans un même gouvernement ? Ça, c’est contre la loi. Un garçon identifié comme auteur d’une grossesse et renvoyé à la maison regagne l’école l’année suivante, ce qui donc n’est pas le cas pour la fille », regrette David Ninganza, avant d’évoquer la constitution Burundaise selon laquelle, tous les enfants naissent égaux. Tant que les choses se passent encore ainsi, ce sera pour lui « une exclusion basée sur le genre » à ne pas cautionner au Burundi, un pays membre des nations unies et membres de l’union Africaine.
Même son de cloche pour le président de l’association « Hope New Generation » qui trouve injuste ce fait que des enfants chassés se voient refusés la réintégration immédiate. Il endosse la responsabilité aux enseignants « conservateurs » qui s’y prennent mal parmi en contribuant à stigmatiser les victimes des grossesses en milieu scolaire, un autre moyen plutôt de décourager ces mêmes enfants au lieu de les aider pour atteindre la résilience comme l’indiquent les textes légaux qui protègent les enfants vulnérables.
Dr Léonard Ngendakumana demande au gouvernement d’arrêter de nouvelles stratégies pour le respect des droits de cette catégorie d’enfants et a déclaré le commencement d’un « vaste chantier » de dialogue permanant amorcé dans le secteur éducatif du sommet à la base. Les décideurs seront dans ce cas amenés à faire la lecture commune des choses au lieu que les victimes gèrent toujours l’affaire de leur manière, du moment que les grossesses en milieu scolaire surviennent subitement, en fonction de facteurs multiples au Burundi.
Elèves, parents et éducateurs appelés à la responsabilité
Si la problématique des grossesses en milieu scolaire préoccupe les défenseurs des droits des enfants, les organes étatiques ne sont pas épargnés. Ils dépensent plutôt énormément de moyens. Un cadre du Programme National de Santé de la Reproduction sous la tutelle du ministère en charge de la santé publique convié à la conférence, a évoqué une nécessité de prendre les choses au sérieux. En effet, a déclaré l’honorable Léonidas Mukeshimana : « Les soins pour tous ces cas reviennent au ministère de la santé publique et le pays y investit énormément. Nul n’ignore que les auteurs de ces grossesses ne sont pas toujours déclarés, c’est la fille victime ou sa famille qui se charge de la suite, au moment où vous savez que les services de maternités pour cette catégorie de personnes sont chers. Nous sommes dans ce cas très sollicités par des cas d’indigences à supporter et les structures de soins apportent immédiatement secours en plus des femmes légalement mariées, qui bénéficient déjà des soins gratuits. Donc c’est une charge supplémentaire pour l’Etat. Cela implique aussi la gratuité de soins pour ces enfants nés dans ces circonstances ».
En attendant les nouvelles stratégies de résilience face au phénomène, il invite les jeunes filles à s’abstenir à la sexualité étant encore sur le banc de l’école quelles que soient les conditions actuelles de la vie, pour ne pas chaque fois se retrouver dans les mailles de filets. Aux parents, ils doivent briser le tabou et parler de la santé reproductive avec leurs enfants et renforcer leur encadrement. Les établissements scolaires doivent eux aussi renforcer la conscientisation des jeunes filles sur les méfaits de grossesses non désirées.
Les données du ministère en charge de la santé publique présentées en mai 2024 quand la première dame du pays procédait au lancement à Bujumbura d’une campagne de sensibilisation des jeunes élèves sur la santé sexuelle et de la reproduction, faisaient état de plus de 4 000 cas répertoriés entre 2021 et 2024 à travers le pays. Angeline Ndayisimiye déclarait à ce jour « zéro grossesse en milieu scolaire pour l’horizon 2030 comme vision du gouvernement Burundais.