Conduire un camion ou soulever des patients toute la journée va solliciter davantage votre corps que répondre au téléphone assis toute la journée. Mais si les maux physiques sont courants pour des chauffeurs, caissières et coiffeurs, les salariés du tertiaire ne sont pas épargnés par les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces pathologies (syndrome du canal carpien, lombalgie, tendinites…) touchent environ un travailleur sur dix et ont été à l’origine en 2010 en France de 9,7 millions de journées d’arrêt de travail… Demandez à vos collègues, on parie que l’épidémie de TMS ne fait pas de ravages qu’à 20 Minutes ! D’autant que nos nouvelles façons de travailler ne vont pas forcément soulager dos, mains, cervicales, genoux… Revue de ces pratiques qui nuisent à notre santé.
Le travail assis
Maux : Les études le martèlent : travailler toute la journée vissé sur sa chaise nuit gravement à votre santé. « Alors que dans les années 1970, on pensait que les cols blancs ne seraient pas malades, l’invalidité liée à la lombalgie a augmenté 14 fois plus vite que la population générale !, souligne Xavier Dufour, kinésithérapeute et ergonome. A force de rester assis et sédentaire dans une situation de flexion de hanche, de genoux et d’épaules, on devient tout raide. Il y a trois grands points douloureux liés à la sédentarité : la région lombaire (bas du dos), la région cervico-dorsale (le cou) et les épaules. »
Le petit conseil : Pour le salarié, il faut entendre sa douleur avant qu’elle ne devienne lumbago ou sciatique qui vous cloue au lit. « Les pathologies, lumbago ou TMS, sont la conséquence de mouvements répétitifs et de douleurs non prises en compte », explique Audrey Yargui, vice-présidente de l’Association française de chiropraxie. Et donc ne pas hésiter à consulter un chiropracteur, un ostéopathe, un kinésithérapeute, rhumatologue en fonction de vos préférences.
Pour les entreprises, il faudrait changer de regard car « aujourd’hui, on envisage la santé comme un coût et pas comme un investissement », regrette Léonard Querelle, ergonome et président du syndicat national des cabinets conseil en ergonomie. Or, rendre les postes de travail plus ergonomiques se révèle économique… « Toutes les études convergent pour dire qu’un bureau adapté permet de gagner 10 % de productivité dans le tertiaire, souligne l’ergonome. Un chiropracteur peut vous soulager d’un mal de dos, mais si le poste de travail n’évolue pas, le patient prend un abonnement durable chez lui. » « J’ai fait pendant dix ans une formation dans une entreprise de fruits et légumes pour identifier chez chacun des salariés les pathologies mais surtout leur origine et dès la première année, on comptait 50 % en moins de douleurs », illustre Sophie Ravel de Verdun, chiropracteure.
La souris
Maux : Avec le travail sur ordinateur, il n’y a pas que le bas du dos qui se tasse et en bave. L’autre petit souci concerne vos mains. La souris, manipulée, triturée, cliquée 4.848 fois par jour, provoque énormément de syndromes du canal carpien, TMS le plus fréquent. Ce syndrome, qui se traduit par des fourmillements, troubles de la sensibilité et diminution de la force représentait 37 % des maladies professionnelles indemnisables en 2006. « Mais attention, un TMS est toujours plurifactoriel : un canal carpien peut résulter d’une mauvaise souris, coincée entre téléphone et dossier, associée à un diabète, au poste mal installé, une tension au travail et une charge mentale importante », nuance Christian Meignan, vice-président de Kiné France Prévention en charge de la santé au travail.
Le petit conseil : Les souris ergonomiques, utiles et peu onéreuses peuvent soulager ceux qui se plaignent d’un syndrome du canal carpien, d’un « tennis-elbow », d’une tendinite du coude ou du poignet. « L’idée qu’il n’y aurait que les souris verticales qui soulagent est fausse, elles créent d’autres contraintes et pour 99 % des gens une souris standard est idéale », prévient Christian Meignan. Il conseille en revanche de bien régler les paramètres de sa souris : « si on est obligé de faire 20 cm sur son bureau pour la manipuler, on va fatiguer l’épaule ».
Le flex office avec portable et smartphone
Maux : A la mode également, ce concept du flex office, c’est-à-dire des salariés qui n’ont plus de bureau attitré. Un tel réaménagement peut s’accompagner de la création de salles de différentes tailles et utilités : petite salle de bureau isolée, cafétéria avec des tables hautes, salle de sieste… « C’est intéressant car cela les amène à changer de poste, sauf que ce changement doit être accompagné », avertit Xavier Dufour. Ne plus avoir de repères, son petit mug, ses photos, ses liens et applications qui se lancent direct n’est en effet pas toujours confortable psychologiquement et efficace…
La mobilité se traduit alors par le remplacement de l’ordinateur et des téléphones fixes par des PC portables et smartphones. Un changement qui ne va pas sans quelques conséquences physiques… « Si vous regardez quelque chose sur un écran petit, naturellement vous allez vous rapprocher de l’objet, votre tête va s’avancer vers l’écran et majorer ce phénomène d’enroulement, souligne Xavier Dufour. Ce qui va augmenter la contraction musculaire, amplifier la fatigue musculaire du dos en fin de journée et renforcer la raideur. » Surtout avec un portable qui est en général trop bas par rapport à vos yeux ! Même problème si vous passez des heures courbé sur votre smartphone, vous risquez la crampe du pouce et de grosses douleurs aux cervicales.
Le petit conseil : Acheter un grand écran à brancher à votre portable -ordinateur ou smartphone- pour ne pas vous esquinter les yeux en plus du cou. « Attention tout de même si vous travaillez sur deux écrans à ne pas passer la journée tourné vers le côté », avertit Léonard Querelle. L’idéal étant que les deux écrans soient installés en chevron et se croisent au niveau de votre nez.
Les spécialistes conseillent également de consacrer cinq minutes chaque matin à une brève séance de gym ou yoga. Voire de caler quelques étirements pendant la journée de bureau. « Le but, c’est de retrouver notre extension, il faut donc se tenir droit mais aussi faire aller vers l’arrière, ce que j’appelle “l’amorti de la poitrine au foot” ! », illustre Xavier Dufour.
Ok mais quand on a un gros rush, comment trouver la bonne posture ? « Mauvaise nouvelle, elle n’existe pas, sourit le kiné. La bonne posture, c’est la prochaine, ce qui soulage, c’est de changer, d’être dynamique plutôt que statique. » Et donc profiter de la moindre pause-café, pipi, réunion pour marcher, sortir chercher son déjeuner à l’extérieur, aller discuter en direct avec son collègue à trois bureaux plutôt que de lui envoyer un mail, prendre l’escalier et non l’ascenseur…
Le télétravail
Le télétravail, qui se développe de plus en plus, a bien des avantages : moins de bruit, moins de transports, plus de concentration… Sauf que quand on n’a pas de bureau, on risque de se retrouver avachi dans son canapé, son ordinateur portable sur les genoux… Premier problème : l’ordinateur, ça chauffe, donc ne vous étonnez pas si vous vous retrouvez avec des plaques rouges sur les cuisses. Mais surtout travailler plié en deux risque de vous coûter cher en ostéo/kiné/chiropracteur…
Le petit conseil : Vous êtes chez vous, donc vous pouvez en profiter pour changer de position, travailler debout, passer un coup de fil en marchant, étendre une lessive… Et pourquoi pas s’aménager un petit bureau confortable avec ou sans l’aide d’un ergonome ? Et Christian Meignan de rappeler : « le haut de l’écran doit arriver au niveau de votre arcade sourcilière et se trouver à 50 cm de votre œil s’il mesure 15 pouces ». Éventuellement avec une chaise ou même un bureau réglable. « La hauteur du siège doit être réglée en fonction de la longueur du tibia », précise l’ergonome. Qui donne un repère simple : vos pieds touchent terre et l’angle de vos pieds, genoux et hanches doivent avoisiner les 90°. Par contre, inutile de se ruiner en chaise ergonomique, qui surfent sur le marketing sans réels bienfaits.
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