DEBAT – Le service de messagerie WhatsApp, filiale de Facebook, a annoncé ce mardi que les messages envoyés via son application seront bientôt totalement cryptés pour protéger les communications privées de ses utilisateurs. De quoi susciter la colère des forces de l’ordre qui dénoncent une fleur faite aux criminels et aux terroristes.
Le service de messagerie WhatsApp, propriété de Facebook, a annoncé mardi 5 avril que l’ensemble des messages envoyés sur la plateforme via son application seront désormais intégralement chiffrés. Au risque, selon les forces de l’ordre, de laisser criminels et terroristes opérer librement.
► Qu’y a-t-il en jeu ?
Les révélations d’Edward Snowden en 2013 sur l’espionnage massif pratiqué par la NSA avec la complicité (ou non avérée) de certains géants de la high-tech, dont Facebook, avaient largement terni l’image de ces derniers auprès de leurs utilisateurs. Depuis ce jour, le débat sur le chiffrement des communications et des données n’a cessé de prendre de l’ampleur.
Jusqu’au bras de fer, plus récemment, qui a opposé Apple et le FBI au sujet de l’accès au contenu crypté du téléphone de l’un des auteurs de l’attaque de San Bernadino, qui a fait 14 morts début décembre en Californie. La marque à la pomme avait pu d’ailleurs compter sur le soutien du soutien de Facebook et de son PDG, Mark Zuckerberg.
► Pourquoi WhatsApp défie les forces de l’ordre ?
Mardi 5 avril, le service de messagerie WhatsApp, a décidé lui aussi de passer à la vitesse supérieure en annonçant qu’il allait désormais chiffrer “de bout en bout” les envois sur sa plateforme. Une mesure qui a pour but de protéger davantage les données de ses utilisateurs.
Plus concrètement, cela signifie que, “quand vous envoyez un message, la seule personne qui peut le lire est la personne ou le groupe à qui vous envoyez ce message. Personne (d’autre) ne peut rentrer dans ce message. Pas les cybercriminels. Pas les pirates. Pas les régimes oppressifs. Même pas nous”, explique le service sur son blog officiel.
► Plus d’impunité pour les terroristes ?
En février dernier, le patron d’Apple Tim Cook avait dénoncé dans une lettre ouverte adressée à ses clients cette demande “sans précédent” du gouvernement américain. S’il explique “n’avoir aucune sympathie pour les terroristes”, il y expliquait sa crainte qu’un tel outil ne soit ensuite utilisé à d’autres fins, et ne mette en danger la sécurité et la vie privée de tous ses utilisateurs vis-à-vis des “hackeurs et des criminels”.
“Quand le FBI nous a demandé les données qui étaient en notre possession, nous les avons fournies, insistait Tim Cook. Mais aujourd’hui, le gouvernement américain nous demande quelque chose que nous n’avons pas, quelque chose que nous considérons comme trop dangereux pour être créé. Il nous demande de construire une ’porte dérobée’ pour l’iPhone”.
Autrement dit, un accès secret à l’appareil. “Dans le monde physique, ce serait l’équivalent d’un passe-partout, capable d’ouvrir des centaines de millions de verrous, des restaurants, des banques, des magasins, des maisons.” Le contexte de la lutte antiterroriste justifient-ils d’ouvrir une brèche qui peut potentiellement affecter n’importe quel utilisateur ?
► La police est-elle si démunie que ça ?
C’est toute la question. Le mois dernier, un responsable de Facebook a été brièvement détenu au Brésil, pour son refus de fournir des informations sur des trafiquants de drogue présumés échangées via l’application. “WhatsApp ne peut apporter des informations qu’elle ne détient pas”, avait déclaré un porte-parole.
En réalité, les services de police et de renseignement ne sont pas totalement démunis face à l’application. WhatsApp peut en effet transmettre des informations autres que les contenus des messages (profil de l’expéditeur, contacts), comme l’explique son rapport de transparence de Facebook.
► Une nouvelle bataille judiciaire en vue ?
D’après le site américain Wired, le service de messagerie serait également engagé dans dans une bataille judiciaire similaire à celle qui opposait Apple et le FBI. Le service et son concurrent Telegram auraient pu être utilisés dans les attaques terroristes du 13 novembre à Paris, estime l’Agence fédérale.
En conséquent, les Etats-Unis pourraient légiférer pour obliger les groupes technologiques à conserver des “clés” permettant de récupérer les données en cas d’enquête criminelle, et avec un mandat judiciaire. Des mesures similaires sont discutées actuellement en France et au Royaume-Uni. Affaires à suivre, donc !