Au Burundi, la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) déplore des irrégularités dans la détention des prisonniers. D’un autre côté, les défenseurs des droits humains dénoncent celles observées dans la libération de ceux qui ont été graciés par le président de la République, Evariste Ndayishimiye, le 13 novembre 2024.
Dans son rapport des trois derniers mois, publié en date du 28 novembre 2024, la CNIDH, après des visites effectuées dans les lieux de detention dans les provinces de Makamba, Bururi, Mwaro, Gitega et Karusi, indique avoir trouvé des personnes emprisonnées sans dossier pénal, pour des faits non infractionnels, ou emprisonnées sur ordre d’une autorité administrative dans ces provinces visitées.
« Nous avons trouvé que dans un cachot d’une capacité d’accueil de 5 ou 6 personnes se trouvent 20 personnes. Vous comprendrez que c’est une violation des droits humains », déplore le président de la CNIDH. Dans ce même rapport, la commission révèle également que dans d’autres cas, « les prisonniers sont gardés dans des maisons carcérales pendant une période qui dépasse la période de détention préventive, ainsi que l’absence de lieux d’aisance ou de robinets dans certains cachots de ces provinces visitées ». Toutefois, le président de la CNIDH se réjouit de la récente grâce présidentielle pour 5442 prisonniers graciés par le président de la République, Evariste Ndayishimiye.
Des dysfonctionnements dans la libération des prisonniers graciés
Cette libération de 5442 prisonniers graciés par le chef de l’État, Evariste Ndayishimiye, mi-novembre 2024, est toutefois critiquée par les responsables des organisations de défense des droits de l’homme. Ces derniers signalent plusieurs irrégularités. S’exprimant le mercredi 27 novembre 2024, soit un jour avant le 28 novembre 2024, date limite donnée par le chef de l’État pour la libération de ces prisonniers graciés, l’ALUCHOTO, l’Association de Lutte Contre le Chômage et la Torture, a signalé quelques-unes de ces irrégularités : « À la prison centrale de Bujumbura, dite Mpimba, 2800 prisonniers ont été graciés, mais seulement 653 ont bénéficié de cette grâce. Et dans la prison de Ngozi, 400 prisonniers devraient bénéficier de cette grâce, mais seulement 287 ont été libérés », souligne Vianney Ndayisaba, le coordinateur national de cette ONG locale.
Il déplore également que parmi les dossiers des prisonniers devrant bénéficier de cette grâce, certains contiennent des signes qui justifieraient leur maintien en détention. Monsieur Vianney Ndayisaba se demande ainsi pourquoi ces irrégularités persistent, alors que la commission chargée de mettre en œuvre cette grâce comprend la commission de la présidence de la République, le ministère de la Justice, ainsi que les procureurs généraux des cours d’appel et le procureur général de la République.
De son côté, l’Organisation Ntabarariza, militant pour les droits des prisonniers et de leurs familles, se dit également préoccupée par la lenteur dans la mise en œuvre de cette grâce.
« À la prison de Muyinga, 340 prisonniers devraient être libérés, mais seulement 123 ont été libérés. On s’inquiète alors que les noms des bénéficiaires de cette grâce présidentielle pourraient concerner des prisonniers déjà libérés avant cette grâce, et nous risquons de rester avec une surpopulation carcérale… Le délai risque de s’écouler sans que tous les prisonniers graciés soient libérés. Dans notre pays, les prisons ont une capacité carcérale de 4000 seulement, mais aujourd’hui il y a plus de 13000. Nous demandons à la commission chargée d’exécuter cette grâce présidentielle de libérer tous les prisonniers concernés dans les onze prisons du pays », a demandé le président de Ntabaraiza, le mardi 26 novembre 2024.
L’ALUCHOTO réclame des destitutions
Pour l’ALUCHOTO, le chef de l’État devrait destituer tous ceux qui vont à l’encontre de cette libération.
« Le chef de l’État est le juge suprême. Ceux qui vont à l’encontre de sa décision doivent être destitués car ils ne l’aident pas. S’il n’est réellement pas celui qui prend la décision et qu’il fait semblant de l’avoir prise, qu’il les destitue », suggère le coordinateur de l’association.
Les autorités n’ont pas encore réagi à ces irrégularités. Mais le substitut du procureur général de la République a, au cours de la présentation de ce rapport, expliqué que ces décisions de justice rendues sont exécutées par les responsables des établissements pénitentiaires : « Une fois qu’une personne est acquittée et que le ministère public ne s’acquitte pas de son devoir, en tenant compte des articles 262, 326 et 327 du code de procédure pénale, il a failli à son devoir », a rappelé M. Isaac Kubwayo.
Le président de la CNIDH indique que le rapport sur la mise en œuvre de la dernière grâce présidentielle concernant les 5442 prisonniers graciés ne lui est pas encore parvenu. Toutefois, Sixte Vigny Nimuraba promet que la commission va programmer des visites dans les prisons pour vérifier combien de prisonniers graciés ont effectivement été libérés.