Alors que la planète se prépare à la COP30 prévue à Belém, au Brésil du 10 au 21 Novembre 2025, l’Afrique apparaît comme l’un des continents les plus exposés aux effets du changement climatique. Le Burundi, petit pays enclavé d’Afrique de l’Est, illustre parfaitement cette vulnérabilité : pollution, déforestation, montée des eaux, inondations et insécurité alimentaire s’y conjuguent pour fragiliser les écosystèmes et les populations.
Deuxième plus grand lac d’Afrique, le Tanganyika — véritable mer intérieure partagée entre quatre pays — subit une pression croissante. Dans la zone industrielle de Ngagara, à Bujumbura, les rives sont envahies par des déchets plastiques et les eaux usées de certaines usines agroalimentaires. « Les poissons fuient les zones où les eaux sont devenues acides », déplore Denis Uwiragiye, un riverain.
Pour Irène Keza, « les bouteilles, les chaussures, les déchets de tanneries… tout finit dans le lac ».

Cette pollution inquiète d’autant plus que le Tanganyika constitue une source vitale de subsistance pour des millions de personnes. Conscient de cet enjeu, le gouvernement burundais a signé, le 9 juin 2025 à Nice, l’accord international sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. « Le lac Tanganyika est une richesse continentale, essentielle pour la pêche, le commerce et la biodiversité », a rappelé le président Évariste Ndayishimiye lors de la conférence.
Déforestation : l’agriculture de survie détruit les forêts
Dans les communes de Nyabiraba, Mukike et Mugongo-Manga, les paysages changent à vue d’œil. Les collines autrefois verdoyantes sont désormais couvertes de champs de maïs et de pommes de terre. La pression démographique pousse de nombreux habitants à abattre les arbres pour étendre les cultures vivrières.
« À Mayuyu et Rwibaga, des forêts entières ont été rasées pour planter du maïs », témoigne E. B., un agriculteur inquiet.

Cette déforestation accélérée accentue les sécheresses locales et perturbe les cycles des pluies. Si certains paysans y voient un moyen de survie à court terme, d’autres appellent à la promotion de l’agroforesterie. « Nous demandons au gouvernement d’introduire ce système pour concilier production et protection de l’environnement », plaide T. L.
Le ministre de l’Environnement, Prosper Dodiko, reconnaît lui-même que les pratiques agricoles actuelles « menacent les sols et l’équilibre écologique », tout en évoquant un projet national de reboisement et de plantation d’arbres agroforestiers.
Inondations et perte de biodiversité à Gatumba

Les effets du changement climatique se traduisent aussi par des catastrophes naturelles récurrentes. À Gatumba, les crues de la rivière Rusizi ont dévasté une partie du parc éponyme, contraignant de nombreuses espèces animales à fuir leur habitat. « Les antilopes et serpents ont disparu, certains ont été retrouvés morts », raconte N. S., un habitant.
Le chef de zone, Jean Muyoboke, reconnaît que « ces inondations représentent une perte écologique et économique majeure » et appelle à des mesures de protection durables, notamment la réhabilitation des clôtures et digues autour du parc.
Pollution de l’air : un danger invisible
Contrairement à une idée répandue, le Burundi n’est pas épargné par la pollution atmosphérique. Le physicien Dr Salomon Mugisha, coordinateur du groupe d’experts du Centre africain d’intelligence en recherche sur la gestion de la biodiversité (CAIRGB), a révélé les premiers résultats d’une étude inédite sur la qualité de l’air à Bujumbura.

Selon lui, « les gaz d’échappement des véhicules usagés, le brûlage des déchets et les feux de brousse dégradent fortement l’air urbain ».
Huit capteurs ont été installés pour mesurer les particules fines PM₂.₅, souvent supérieures aux recommandations de l’OMS. Cette pollution serait à l’origine de plus de 3 000 décès prématurés par an, liés à des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Le chercheur plaide pour l’interdiction des véhicules vétustes et l’installation de filtres industriels.
Montée des eaux : les plages de Bujumbura englouties
Le littoral du lac Tanganyika a connu une montée des eaux inquiétante. Des plages populaires comme Nyabugete Beach, Lacosta Beach ou Safari Gate ont été submergées.

« La plage a reculé de près de 70 m en deux mois », déplore Élodie Irambona, gérante du Nyabugete Beach, qui a perdu 40 % de sa clientèle en 2022.
Le professeur Gaspard Ntakimazi, écologue, explique que ces variations s’inscrivent dans un cycle naturel accentué par les fortes pluies des dernières années. « Ce phénomène n’est pas inédit : des épisodes similaires avaient été observés en 1964 », précise-t-il. Mais l’urbanisation croissante des zones riveraines amplifie les dégâts.
L’Air et Moi Burundi : pour une action concertée à la veille de la COP30

Face à la dégradation environnementale, la société civile se mobilise. L’association L’Air et Moi Burundi, agréée en mai 2025, milite pour la reconnaissance de l’air pur comme droit fondamental. Elle alerte sur les effets de la pollution, la déforestation et les catastrophes naturelles, et prévoit de déployer des micro-capteurs open source dans les écoles, en partenariat avec L’Air et Moi France et Atmosud.
« Nous voulons faire du Burundi un exemple africain de mobilisation pour un air pur et un avenir durable », déclare son président, Évariste Bukeyeneza. À la veille de la COP30, l’association appelle à intégrer la qualité de l’air dans les politiques climatiques nationales et à renforcer les partenariats internationaux pour la résilience environnementale.
L’urgence climatique en marche au Burundi
Du Tanganyika aux collines de Mugongo-Manga, en passant par Gatumba et Bujumbura, le Burundi vit déjà les conséquences directes du changement climatique. Entre pollution, déforestation et inondations, les signaux d’alerte se multiplient.
Mais des initiatives locales émergent, portées par des chercheurs, des citoyens et des associations déterminés à préserver un environnement vital pour les générations futures.
Le message est clair : l’Afrique, et le Burundi en particulier, n’ont plus le luxe d’attendre. L’action climatique n’est plus une option, c’est une urgence.

























