Alors que le pays tente toujours de trouver des solutions pour relever son économie, des opérateurs économiques pointent l’absence d’une politique claire dans la gestion des ressources, afin d’augmenter ou du moins de gérer efficacement les recettes disponibles.
D’après le ministre des Finances, les défis pour le redressement économique sont liés en grande partie au déficit budgétaire dont les dépenses sont supérieures aux recettes, et ces défis doivent toutefois être résolus.
« On doit essayer de réduire le déficit budgétaire en priorisant les secteurs qui peuvent avoir un impact sur l’économie. Il faut aussi accroître la part des investissements, ce qui n’est pas le cas actuellement », a souligné le ministre Alain Ndikumana, jeudi de cette semaine, au cours d’une conférence-débat sur les réformes macroéconomiques au Burundi.
Le ministre Ndikumana a également évoqué la « catégorisation » en se basant sur les données du dernier recensement général de la population, de l’agriculture et de l’élevage, dans la subvention aux secteurs comme l’éducation, l’agriculture et la santé.
« Je donne l’exemple des engrais chimiques : actuellement, on subventionne tout le monde, même un commerçant qui a les moyens d’accéder à ces engrais chimiques continue à y avoir accès à un prix subventionné. Ça, c’est un aspect très important », a-t-il souligné.
Le ministre Ndikumana parle aussi de la mobilisation des recettes fiscales au niveau du secteur informel en vue de relever l’économie du pays
« Le secteur informel représente une part importante. Il y a beaucoup de recettes qui ne sont pas mobilisées parce que les travailleurs de ce secteur ne figurent pas dans la base de données. Au niveau de l’OBR Office Burundais des Recettes, on a seulement 13 000 contribuables, alors que nous savons qu’il existe beaucoup d’activités économiques sur lesquelles on peut prélever des taxes pour augmenter l’assiette fiscale », a déclaré le ministre des Finances.
Alors que le Burundi fait toujours face au manque de devises, la Chambre Fédérale d’Industrie et du Commerce du Burundi se dit insatisfaite de la manière dont certains secteurs porteurs de croissance sont exploités.
« Si nous avons plus de 200 coopératives minières, il faut souligner que l’exploitation artisanale reste une exploitation où la traçabilité n’est toujours pas assurée », a indiqué Denis Nshimirimana, représentant de la CFCIB, à la même occasion.
« Nous devrions aussi tout faire pour avoir la quantification et la cartographie afin de savoir officiellement ce qui est vendu ou ce qui passe sous manteau, afin de renflouer les caisses en devises dont le secteur privé a besoin », a-t-il précisé.
Selon lui, une grande masse de devises circulant sur le marché noir n’est pas utilisée pour générer des revenus.
« Même ce marché parallèle, qui gère une grosse masse de devises, nous achète n’importe quoi. Il faut de la discipline… Presque 100 % des Burundais n’ont pas besoin de champagne ou de Heineken. Il faut se comporter comme dans un pays en crise et acheter de la matière première », a-t-il insisté.
Nshimirimana déplore également l’absence de régulation du marché parallèle des devises :
« Nous avons une économie à deux vitesses, deux économies parallèles : une qui fonctionne à 2 950 le dollar et une autre à 7 300. Là, il n’y a pas de concurrence, car quelqu’un qui obtient le dollar à 2 950 et le revend à 7 300, ce n’est pas de la concurrence. Et la conséquence, c’est la fraude fiscale », a souligné le représentant de la CFCIB.
Alors que les réformes macroéconomiques sont visées, le représentant de cet organe déplore l’évasion fiscale que l’Office burundais des recettes n’a pas encore maîtrisée :
« Nous ne pouvons pas évoluer dans un contexte où l’OBR collecte à peine 40 ou 50 % des recettes fiscales et non fiscales qu’il devrait collecter », dit-il.
« La population fiscale des grands contribuables tourne autour de 1 000, et cela représente un chiffre d’affaires de 700 millions par an, ce n’est pas vari. Je vois des gens qui circulent dans des véhicules achetés à plus de 200 millions, et qui, à l’OBR, ne paient que 100 millions d’impôts pendant une période de cinq ans. Entre-temps, ils se sont construits un building. On ne peut pas continuer comme ça », s’est indigné M. Nshimirimana.
Le gouvernement reconnaît certains de ces défis et promet de les juguler, mais évoque également des actions pour redresser la situation, dont la digitalisation des institutions publiques.
« Il y a une situation actuelle, et il y a des défis auxquels nous sommes confrontés pour le moment, ainsi que des actions que nous planifions », a affirmé le Premier ministre Nestor Ntahontuye au cours de cette conférence-débat. « Et, par ailleurs, ce ne sont pas souvent de nouvelles actions : le plus souvent, il s’agit de renforcer les réformes déjà engagées », a-t-il déclaré.