Les 5 000 ménages, anciens occupants de Kagaragara aujourd’hui délocalisés vers Buringa, en commune de Gihanga, province de Bubanza, ne sont plus autorisés à cultiver les terres de Kagaragara qu’ils exploitaient avant, depuis la nouvelle délimitation fixée par le décret de 2011 du parc national de la Rusizi, en novembre dernier. Aujourd’hui, ces agriculteurs craignent le risque de famine, qui pourrait entraîner des décès dans leurs familles si l’État ne leur accorde pas de nouvelles terres cultivables.
Depuis novembre 2024, l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE) a annoncé le début de la mise en application du décret de 2011 délimitant le parc national de la Rusizi et interdisant toute nouvelle activité dans le parc.
Cependant, la population, qui avait des terres cultivables dans la zone, avait continué à espérer qu’elle pourrait exploiter ses terres. Ce n’est qu’au début des deux dernières semaines que les agents de l’OBPE ont autorisé à toute personne de venir récolter ses champs de la saison culturale A et ont ordonné de ne plus y revenir.
Les récalcitrants se sont vus confisquer leurs houes par les militaires, gardiens du parc, comme l’affirme cet ancien occupant de Kagaragara : “Ceux qui récoltaient le riz et replantaient les nouvelles pousses, c’est maintenant interdit. Si tu oses le faire, ta houe est confisquée par les militaires”. Ces anciens occupants de Kagaragara, aujourd’hui délocalisés de l’autre côté de Buringa, dans un périmètre de 15 m sur 15 chacun, sont animés par un sentiment de désespoir. “Nous avons des soucis pour notre survie. Nous avons déjà faim, demain nous mourrons.”
Les habitants, qui ne vivaient que de l’exploitation de la terre, appellent l’État burundais à surseoir à la mise en application du décret ou à leur exproprier: “La mise en application de la décision devrait être reportée ou annulée. Si l’État nous donne d’autres terres cultivables, ce serait mieux, car la vie continuerait.”
Jean Berchmans Hatungimana, directeur général de l’OBPE, lors de sa visite en novembre dernier, avait pris en compte les doléances de la population : “Nous avons déjà entendu qu’il y a un rapport préparé par l’administration sur les vrais occupants qui avaient des propriétés dans ce secteur. Ne doutez pas qu’une solution sera trouvée.”
Les experts en environnement, comme Innocent Banigwaninzigo, ne cessent de réclamer le respect des parcs nationaux et des aires protégées. Innocent Banigwaninzigo souligne que le parc national de la Rusizi est menacé par l’activité humaine, et que sa superficie a été réduite de moitié depuis 2011, passant de plus de 10 000 ha à un peu plus de 5 000 ha. “Les gens exploitent une grande partie de ce parc et cultivent des plantes vivrières. Toutes ces activités rendent ce parc très vulnérable.”
Les espèces endémiques, comme l’Urukoko et d’autres plantes, que l’on trouve nulle part ailleurs au monde, sans oublier les différentes sortes d’animaux, sont extrêmement menacées. Les experts en environnement affirment que le Burundi n’a actuellement que 172 000 ha de forêts, y compris les parcs et les aires protégées, alors que dans les années 1990, les forêts burundaises représentaient 40 % de la superficie nationale. Le Burundi a déjà demandé à l’Unesco que le parc national de la Rusizi soit inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité.