Lancée en 2020 avec l’ambition de rapprocher les soins de santé des populations rurales, la politique nationale de transformation des centres de santé en hôpitaux communaux semble aujourd’hui marquer le pas. Malgré les promesses et les budgets alloués, plusieurs chantiers restent inachevés, quand d’autres n’ont même pas démarré. Au Parlement, des élus s’inquiètent de détournements de fonds et d’une mauvaise gestion qui compromettent l’objectif initial : renforcer un système de santé de proximité capable de répondre efficacement aux besoins des citoyens. Entre manque de suivi, priorités budgétaires contestées et lourdeurs administratives, cette politique phare du quinquennat du président Ndayishimiye se heurte à des obstacles persistants sur le terrain.
La mise en œuvre de la politique nationale de transformation des centres de santé en hôpitaux communaux fait face à de nombreux défis. C’est ce qu’a révélé Rédempteur Gahitira, président de la commission permanente chargée des finances à l’Assemblée nationale, lors d’une récente séance parlementaire.
Selon lui, plusieurs irrégularités financières entravent la réalisation de cette politique sanitaire phare annoncée par le chef de l’État en 2020. Il a notamment pointé du doigt l’Office burundais de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (OBUHA), accusé d’avoir détourné des fonds initialement destinés à la construction de nouveaux hôpitaux.
« Des montants transférés pour des projets précis ont été utilisés à d’autres fins », a-t-il dénoncé.
Trois hôpitaux non construits et des fonds détournés
Un exemple emblématique concerne les trois hôpitaux de district prévus à Ntega, Busoni et Nyabikere. Le projet, doté d’un budget de plus d’un milliard trois cent trente-sept millions de francs, n’a pas été exécuté comme prévu. L’OBUHA, après avoir reçu les fonds, n’a débloqué que 206 millions de francs, qu’il a utilisés pour apurer des arriérés envers des fournisseurs.
Ces pratiques, selon les parlementaires, retardent considérablement la mise en place d’infrastructures sanitaires essentielles à la population.
La députée Béatrice Bukuru a, elle aussi, exprimé ses inquiétudes face à la multiplication des chantiers de santé inachevés. Elle cite le cas de Bugendana, où la construction d’un centre de santé a été interrompue alors que les travaux étaient réalisés à 80 %.
Ce chantier, démarré au cours de l’exercice budgétaire 2023-2024, a disparu des budgets suivants, laissant les travaux d’extension de l’ancien hôpital communal également à l’arrêt.
« C’est incompréhensible qu’un projet si avancé soit abandonné faute de suivi budgétaire », a-t-elle déploré.
Le Premier ministre appelle à la rigueur dans la gestion des fonds
Réagissant à ces préoccupations, le Premier ministre Gervais Ndirakobuca d’alors, invité à s’exprimer devant le Parlement réuni en congrès, a rappelé les directives données à l’OBUHA.
Il a insisté sur la discipline budgétaire et la nécessité d’utiliser les fonds selon leur destination initiale :
« Lorsque des fonds sont alloués à un projet spécifique, il ne faut pas les détourner vers d’autres chantiers. Concentrez-vous sur ceux dont les moyens sont disponibles, et ne comptez pas sur d’hypothétiques financements futurs », a-t-il martelé.
Concernant les nombreux chantiers inachevés, le Premier ministre a assuré que le gouvernement a pris des mesures pour y remédier.
« Plusieurs chantiers sont restés à l’arrêt. Pour l’exercice budgétaire en cours, des fonds ont été spécifiquement affectés à leur achèvement », a-t-il annoncé.
Une politique ambitieuse encore en quête de résultats
Pour rappel, la politique de transformation des centres de santé en hôpitaux communaux avait été lancée par le président Évariste Ndayishimiye lors de son discours d’investiture le 18 juin 2020. L’objectif : rapprocher les services hospitaliers des populations et renforcer le système de santé de proximité.
À cette époque, le ministère de la Santé publique avait identifié 116 centres de santé à transformer sur l’ensemble du territoire national. Cinq ans plus tard, la concrétisation de cette vision reste encore incomplète, freinée par des lenteurs administratives, des détournements et un manque de suivi financier.