Alors que plus de 100 enfants ont été interceptés depuis le début de l’année en route vers la Tanzanie, les autorités de la province de Burunga tirent la sonnette d’alarme. Derrière ces déplacements se cache un réseau de traite de mineurs qui recrute jusque dans les provinces de l’intérieur. La société civile appelle à une synergie nationale pour démanteler ces filières, tandis que les retours forcés d’enfants refoulés par la Tanzanie posent un grave problème humanitaire.
Un groupe de quatre enfants a été intercepté le lundi 21 juillet 2025 sur la colline Kinzanza, en commune Rutana, province Burunga, au sud du Burundi. Depuis le début de cette année, plus de 100 enfants ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de rejoindre la Tanzanie, pointant du doigt un réseau de traite d’enfants transfrontalier de plus en plus actif.
L’administration provinciale de Burunga affirme s’opposer fermement à cette forme de trafic humain, qui cible principalement les enfants, souvent envoyés vers la République Unie de Tanzanie. Le gouverneur de cette province, Parfait Mbonivuka, appelle à une mobilisation urgente de tous les acteurs pour démanteler ce réseau criminel.
« Ces enfants sont recrutés par un réseau souterrain mais bien réel. Un enfant peut venir de Karusi, de Gitega, et savoir comment atteindre la Tanzanie. Pour lutter contre ce fléau, nous devons renforcer la collaboration entre la police, les services de renseignement et les forces de défense afin d’identifier les membres de ce réseau et les traduire en justice », a déclaré le gouverneur.
Il a également dénoncé des tentatives de manipulation dans certains cas, affirmant que :
« Des parents sont parfois utilisés pour tenter de faire libérer les présumés trafiquants, souvent par appât du gain ou par pauvreté. Je ne crois pas que ce soient toujours les parents eux-mêmes qui agissent ainsi, c’est une stratégie organisée par le réseau pour freiner les poursuites judiciaires. »
L’Observatoire national de lutte contre la criminalité transnationale (ONLCT) – Où est ton frère s’est réjoui de la prise de conscience croissante du gouvernement burundais face à cette problématique, à la suite de plusieurs plaidoyers menés tout au long de l’année 2024.
L’organisation rappelle qu’à titre d’exemple, le 5 décembre 2024, le tribunal de grande instance de Rutana a condamné un certain Jean-Paul Dushime à 5 ans de servitude pénale principale, assortis d’une amende de 500 000 francs burundais, avec une peine subsidiaire de 30 mois en cas de non-paiement.
« Ce procès montre clairement la volonté politique de mettre fin à la traite des êtres humains au Burundi, notamment celle des enfants, à travers une répression systématique des auteurs », a affirmé Me Prime Mbarubukeye, président de l’ONLCT.
Il a aussi salué le travail du tribunal de Rutana, qu’il qualifie de modèle en matière de répression de la traite des personnes, au même titre que d’autres juridictions de même rang.
L’ONLCT a dénoncé le refoulement brutal de plus de 13 enfants par les autorités tanzaniennes. Parmi eux, 11 ont été ramenés de force le samedi 7 décembre 2024 à Mabanda, en province de Makamba.
Ces enfants, expulsés sans documents ni accompagnement, ont été accueillis de manière temporaire dans un centre d’hébergement débordé.
« Le centre reçoit des enfants deux à trois fois par semaine, sans préavis. Il est dépassé par ce flux constant », ont déploré les responsables sur place.
Face à cette situation, l’ONLCT appelle le gouvernement burundais à soutenir davantage les centres d’accueil et à renforcer la coopération régionale pour mettre fin à ces pratiques inhumaines.
Me Mbarubukeye insiste sur la nécessité de créer dans chaque province des synergies de lutte contre la traite des personnes, intégrant notamment la police chargée de la sécurité routière, afin de repérer les trafiquants dès leur départ.