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Le parc National de la Ruvubu : des signaux d’alarme

Depuis sa création vers les années 1980, cette aire protégée qui s’étend sur une superficie d’environ 50850 hectares et partagée par provinces Muyinga, Karusi et Cankuzo (Nord-Est du Burundi), le parc national de la Ruvubu est en proie aux menaces liées soit à l’action anthropique, soit à l’absence de politiques de gestion efficiente. Les éco-gardes tirent une sonnette d’alarme pour sa protection. La population environnante dénonce la menace des herbivores qui quittent le parc pour aller envahir les champs de cultures et l’administration provinciale à Cankuzo plaide pour le bornage et pour la clôture de ce parc.  

« Quoi que très riche tant sur plan faunistique que floristique, le parc est exposé à pas mal de menaces et la situation va de mal en pis. L’on y remarque toujours le braconnage, la pêche illicite dans les eaux de la Ruvubu, les feux de brousses (un phénomène récurrent) pendant la saison sèche, la recherche illégale des plantes médicinales mais aussi l’extraction de l’argile par les ménages Batwa (peuples autochtones) comme en commune Bweru de la province Ruyigi », confie à la Rédaction de la Radio Indundi Culture, le gestionnaire en chef du parc, Marc Bakundintwari.

Il ajoute que la loi n°1/21 du 04 octobre portant stabulation permanente et interdiction de la divagation des animaux domestiques et de basse-cour au Burundi aggrave la situation. Il indique que bon nombre d’éleveurs proches du parc sont es moins sceptiques à cette politique et qui s’introduisent au parc la nuit à la recherche de pâturages, échappant à la vigilance des garde forestiers. Ainsi regrette Mr Bakundintwari : « Les pâturages, normalement réservées aux animaux sauvages du parc, ne leurs suffisent plus dans ces conditions et c’est ce qui fait souvent que les animaux quittent leur demeure pour aller brouter en dehors du parc au risque d’être tués ou agressés. »

La clôture du parc, un projet mort-né

Avec l’appui financier du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il fut lancé entre les années 2012 et 2013, un projet de bornage et de clôture du parc national de la Ruvubu à la partie frontalière de la province Cankuzo, selon une source ayant requis l’anonymat en commune Kigamba.

« L’on procédait à cette époque à planter des césalpinies aux alentours mais personne n’a jusqu’ici connu la suite », lâche la même source, estimant que la clôture aurait au moins épargné de ces bêtes sauvages des éventuels accidents.

Abondant dans le même sens, le gardien en chef de cette aire protégée déplore le fait que la route nationale numéro 19 (RN19) qui traverse le parc constitue un risque important pour la vie des bêtes sauvages. « Nous assistons souvent à des accidents des espèces animales notamment les babouins, les oiseaux, … qui sont régulièrement retrouvés morts cognés par les véhicules qui roulent avec un excès de vitesse.  Les conducteurs violent les signalisations routières posées pour prévenir de tels accidents, en roulant à plus quarante kilomètres par heures (40km/h), vitesse maximale autorisée sur les axes traversant les parcs. Cet excès de vitesse fait que les animaux ne soient pas libres de mouvement à cause de bruits de véhicules. La route constitue une barrière dans ce cas parce que certaines espèces éprouvent la peur pour traverser, ce qui fait qu’ils broutent dans un espace limité. Mieux serait donc de clôturer le parc », propose-t-il.

Protéger la biodiversité et les vies humaines, quel choix opérer ?

Un conflit permanent règne entre les ménages riverains au parc et les gardes forestiers. En effet, a constaté la Radio Indundi Culture, les herbes s’assèchent pendant l’été, et les herbivores du parc manquent de quoi se nourrir. Ils sortent de leur habitat et dévastent les champs de culture. La population riveraine du parc du côté de la commune Kigamba en province Cankuzo par exemple, ne sait plus à quel saint se vouer.

« Nos terres étaient productives pour les tubercules comme les patates douce et le manioc mais je n’ai rien récolté, les buffles ravagent nos cultures dès les premières pousses des haricots, de manioc de maïs, je n’ai rien reçu comme récolte l’année en cours à cause de ces bêtes. Bien plus, ces animaux menacent les personnes puisqu’ils sillonnent les ménages notamment la soirée », se lamente Esperance Nijimbere résidante de la colline Rwamvura à Kigamba.

« Le risque est grand pour les ménages puisqu’il n’y a plus rien dans les champs de culture. Une belle sœur à moi vient d’échapper de justesse. Un buffle l’a retrouvée chez elle, il lui a fait un coup de tête, elle a du coup perdu conscience et n’a été réanimée qu’après avoir été évacuée à l’hôpital. Les cas pareils sont ici fréquents mais nous n’avons pas malheureusement à qui confier le calvaire pour des cas pareils. Nous craignons surtout la perte des vies humaines », mentionne, larmes aux yeux, Léopold Gahungu, résidant sur la colline Rusagara à environ deux kilomètre depuis la limite du parc national de la Ruvubu en commune Kigamba.

Entre temps, la garde forestière regrette un bon nombre de bêtes sauvage qui sont soit abattus, soit blessés ou agressés par la population. Un guide touristique interrogé a confirmé des cas d’emprisonnement pour des auteurs de cette menace pour la vie faunistique. En effet, fait -il savoir : « Il n’est pas compréhensible que des gens se vengent contre ces animaux en dépit des séances de sensibilisation tenues par les responsables du parc en collaboration avec l’administration sur la protection de la nature et surtout sur le code forestier en vigueur. Nous invitons plutôt la population à faire sienne la protection de cette richesse naturelle du Burundi ».

Les buffles, les chimpanzés, les singes, les antilopes et les serpents sont les principales populations de cette aire protégée et qui font objet de conflits permanents depuis environ une quinzaine d’années avec la réduction continuelle des pâturages au parc national de la Ruvubu. Personne ne s’est pas encore prononcé sur le choix « entre la mort des personnes, de bêtes sauvage et la protection des champs de culture. »

Une loi plus contraignante et un investissement conséquent

Dressant un bilan négatif en général par rapport à la maîtrise du danger de la menace environnementale par la population, le gestionnaire en chef du parc national de la Ruvubu demande la révision du code forestier plus contraignant, faute de quoi la disparition de ce riche écosystème coûtera cher à la nation. Il déplore l’accentuation des feux de brousse (criminels) surtout en saison sèche, un personnel insuffisant de gardes forestiers travaillant de surcroît avec des outils rudimentaires, un faible taux d’orientation et de fréquentation des élèves et étudiants dans les filières de protection de l’environnement. Mr Marc Bakundintwari propose l’éveil des consciences des populations riveraines des parcs nationaux, la révision du cadre légal en matière de répression de crimes contre la biodiversité, du moment que les ménages riverains des parcs au Burundi tirent en général de ces derniers leur principale source de revenus.

Première richesse en biodiversité, infrastructures médiocres

Classée en tête des écosystèmes protégés au niveau national de par son étendue et par sa végétation, le parc national de la Ruvubu est moins visité en raison du manque d’infrastructures d’accueil adéquates et suffisantes. Sa végétation est faite des savanes boisées, des savanes herbeuses, des galeries forestières etc. Nombreuses des espèces sont moins sont celles connues du public, des décideurs et des touristes.

L’une des raisons serait selon Marc Bakundintwari, responsable en chef de la garde forestière, l’absence des infrastructures développées pour le séjour des visiteurs. Il fait état d’un seul hôtel « Gîte de Gasave » de trois à quatre chambres, construit dans le parc par l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE).

Par ailleurs, « Les pistes touristiques ne sont plus entretenues. Il y a alors un besoin urgent de d’aménagement des infrastructures dont un hôtel moderne et un réseau internet haut débit », ajoute ce cadre du ministère burundais ayant l’environnement dans ses attributions, avant de plaider pour un engagement des opérateurs économiques privés et la diaspora Burundaise à investir dans la protection de la biodiversité.

La protection du parc souvent au cœur de débats

Avec les dommages occasionnés tant du côté floristique, faunistique, que du côté humain par cet état de fait, l’administration provinciale à Cankuzo dit avoir rapporté à maintes reprises la problématique, mais déplore sa banalisation par les organes habiletés. Le Gouverneur de province confirme que des braconniers, des gens assurant la garde de leurs champs qui blessent ou tuent ces animaux sont souvent traqués et emprisonnés, mais comprend mal comme la population s’en plaint, que personne n’intervient pour indemniser ceux-là dont les cultures sont ravagées par les animaux du parc.

Boniface Banyiyezako parle d’une question souvent au cœur de débats. « Au cours d’une réunion sur la politique nationale de l’environnement et la stratégie nationale forestière récemment tenue à Ngozi par exemple, nous avons plaidé pour l’intégration aux textes d’application, des outils et mécanismes efficaces de protection du parc de la Ruvubu et des autres réserves naturelles du Burundi. Nous attendons quand même quelque chose de remède parce que les êtres vivants sont en péril, les ménages environnant le parc ne sont pas non plus épargnés », informe cette autorité qui demande lui aussi le bornage et la clôture du parc.

Délimité en 1982 et doté du personnel pour sa garde entre 1984 et 1989, le parc National de la Ruvubu était occupé jusque vers les années 1976, par des brousses et des personnes indigènes. Il est du point de vue faunistique peuplé de 44 espèces de mammifères dénombrés, dont les hippopotames (Hippopotamus amphibius) facilement trouvés dans la Rivière de la Ruvubu qui a, selon la garde forestière, donné le nom au parc, les buffles (Syncerus caffer), des primates, 14 espèces de poissons et plus de 425 espèces d’oiseaux (inventaires de 2006).

Au niveau de la flore, le parc est dominé par plusieurs espèces de plantes parmi lesquelles, les Parinari curatellifolia, les Pericopsis angolensis et les Hymenocardia acida. C’est une végétation néanmoins peu étudiée, les gestionnaires y comptent plus 300 espèces sur base des données non  exhaustives.

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