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Burundi : Faustin Ndikumana alerte sur la pénurie de devises et la fragilité du secteur agricole

L’économiste et directeur national de la PARCEM, Faustin Ndikumana, tire la sonnette d’alarme sur la crise des devises qui frappe le Burundi. Selon lui, l’absence d’industries compétitives, la dépendance aux importations et la mauvaise gouvernance compromettent le développement du pays. Il plaide pour une réforme en profondeur du secteur agricole et une meilleure gouvernance économique.

Dans un point de presse animé ce mardi 9 septembre 2025, en marge de la célébration de la journée mondiale de l’agriculture,Faustin Ndikumana, directeur national de l’organisation burundaise Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM), a bien signifié que la pénurie de devises est « une réalité indiscutable » qui constitue un handicap majeur pour le développement économique. Le Burundi souffre depuis longtemps d’un déséquilibre structurel : « Le taux de couverture des importations par les exportations n’a jamais dépassé 20 % », rappelle-t-il.

Le pays importe la quasi-totalité de ses besoins essentiels : carburant, véhicules, ordinateurs, téléphones, médicaments, engrais, vêtements, matériaux de construction, mobilier et même certains produits alimentaires. « Nous n’exportons presque que des produits primaires. Même les ustensiles du quotidien sont importés », déplore Ndikumana.

L’agriculture, moteur historique mais en déclin

Selon les rapports internationaux, le secteur agricole reste central dans la génération de devises, à travers le café et le thé. Mais la situation est loin de refléter l’âge d’or des années 1980, lorsque la production annuelle de café dépassait 500 000 tonnes et que le café burundais était prisé sur le marché international.

Aujourd’hui, la filière café connaît un déclin marqué. Ndikumana pointe du doigt le manque d’entretien des plantations, la disparition des campagnes de désinfection, l’absence de renouvellement des plants et l’atomisation des terres agricoles. « La cohabitation forcée entre cultures vivrières et cultures d’exportation, un encadrement insuffisant et un marketing faible fragilisent encore davantage le secteur », explique-t-il.

Des caféiculteurs abandonnés à eux-mêmes

La situation des producteurs de café illustre les failles structurelles du système. Depuis février, de nombreux caféiculteurs ont livré leur production aux stations de lavage, mais n’ont toujours pas été payés.

« Le premier versement aurait dû avoir lieu en mai et le dernier en août. À l’approche de la rentrée scolaire, des milliers de familles se retrouvent sans ressources, totalement livrées à elles-mêmes », s’indigne le directeur de la PARCEM.

Autre frein pointé par Faustin Ndikumana : la réévaluation du dollar par rapport au franc burundais. Cette situation pénalise directement les exportateurs. « Dans des pays comme le Japon, la faiblesse de la monnaie est utilisée comme levier pour stimuler les exportations. Ici, au contraire, les coûts de production et de paiement en BIF augmentent, ce qui décourage les producteurs », souligne-t-il.

L’urgence d’une gouvernance concertée

Face à ces défis, Ndikumana appelle à une synergie d’action entre l’État, les producteurs, les acteurs privés et les institutions financières. « L’État doit cesser de vouloir tout contrôler. Les acteurs publics ne détiennent pas seuls le savoir. Ils doivent collaborer avec les experts et les producteurs », insiste-t-il.

Il fustige en outre le comportement de certains responsables publics qui bloquent ou retardent volontairement des projets financés par des partenaires internationaux. « Certains refusent de délivrer des autorisations ou inventent des obstacles parce qu’ils n’y trouvent pas d’intérêts personnels. C’est dangereux : chaque projet qui échoue affaiblit l’économie et détruit la confiance des partenaires », prévient-il.

Des réformes incontournables

Pour le directeur de la PARCEM, la sortie de crise passe par une réforme profonde de la gouvernance économique et une valorisation réelle du secteur agricole. Sans cela, le pays restera enfermé dans une pénurie chronique de devises.

« Sans devises, il sera impossible de financer le développement, d’assurer l’approvisionnement en produits stratégiques comme le carburant, et de répondre aux besoins des populations », conclut Faustin Ndikumana.

Journaliste reporteur , fact-checker, créateur de contenus, responsable des réseaux sociaux à la Radio Indundi Culture, et contributeur wikimedien

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