Le procès de Simone Gbagbo, l’ex-Première dame ivoirienne, reprend ce lundi à Abidjan après plusieurs semaines d’interruption. Florent Geel, responsable Afrique de la FIDH, livre à Jeune Afrique sa vision sur l’événement.
Jeune Afrique : quel bilan peut-on faire des premiers mois du procès de Simone Gbagbo ?
C’est un procès qui nous paraît mal préparé, inéquitable et dont l’issue est courue d’avance. Il donne une tribune politique à Simone Gbagbo et démontre la précipitation, l’empressement de la justice ivoirienne à juger l’adversaire politique et à ne pas se pencher sur les réalités et la complexité de la crise post-électorale.
De plus, il semble que ce procès n’ait été déclenché que pour répondre à une préoccupation de la Cour pénale internationale (CPI) qui réclame Simone Gbagbo depuis des années. Nous n’attendons plus rien de ce procès, sauf la démonstration de son impréparation, de son inéquité et de son caractère contre-productif.
C’est une occasion ratée pour la justice ivoirienne. A l’heure où le Sénégal a été capable de juger Hissène Habré dans un procès équitable, il était absolument nécessaire pour la justice africaine de démontrer qu’on pouvait juger Simone Gbagbo et les autres responsables pro-Gbagbo ou Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).
Comment aurait-il fallu procéder ?
Pourquoi n’avoir pas attendu de la juger avec d’autres ? Nous avions d’ailleurs proposé aux autorités ivoiriennes d’organiser une série de procès thématiques qui rappelleraient les différents déroulements de la crise et les responsabilités partagées pour contrer cette idée d’une justice des vainqueurs.
Une des critiques formulées par la défense est l’absence des autres protagonistes de la crise…
Comment juger Simone Gbagbo toute seule alors que c’est un système que l’on doit juger ? Simone Gbagbo n’était évidemment pas seule à décider, à agir et à mettre en oeuvre. Juger Simone Gbagbo toute seule semble une aberration. Les crimes de sang pour lesquels elle est jugée nécessite d’être vus dans leur globalité. Il est aussi incompréhensible que les victimes que nous représentons n’ont pas été appelées à participer à ce procès.
Où en sont les procédures qui concernent les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) ?
Elles ont progressé depuis au moins un an. Il y a des faits nouveaux qui ont été apportés, des inculpations de personnalités de haut niveau dans le système sécuritaire de l’époque qui ont été prononcées. Ces procédures doivent maintenant aller de l’avant et trouver une traduction judiciaire, c’est-à-dire un procès. Les crimes des uns n’excusent pas les crimes des autres. Que la responsabilité première du régime de Laurent Gbagbo soit mise en avant dans un premier temps est compréhensible. Mais le peuple ivoirien ne comprend pas que certains de leurs fils qui ont commis des crimes atroces ne soient pas jugés eux-aussi.
Jeune Afrique