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La loi portant réorganisation de l’administration communale : la grogne des femmes

Les leaders féministes se montrent fâchées contre l’absence du principe d’« égalité hommes-femmes » dans la présente loi et regrettent ne pas être consultées avant que son projet ne soit soumis au parlement pour analyse. L’association de femmes rapatriées du Burundi initie de sessions de dialogue entre les parties prenantes pour tenter une solution, au moment où le ministère ayant l’intérieur dans ses attributions et initiateur du projet appelle à la compétitivité pour corriger tout déséquilibre au niveau des structures qui seront formées avec la nouvelle réorganisation territoriale.

A bientôt une année que la loi organique n° 1/ 18 du 07 juin 2024 portant réorganisation de l’administration communale au Burundi est promulguée, l’AFRABU (association de femmes rapatriées du Burundi) a régulièrement organisé des rencontres d’échanges entre les parties prenantes autour de la question. C’est dans ce cadre qu’elle a tenu un café de presse mardi 06 mai 2025 au cours duquel la directrice en charge de la décentralisation au ministère ayant l’intérieur dans ses attributions Dative Ntabimfise, a fait un aperçu sur quelques innovations apportées par la nouvelle loi sur la réorganisation territoriale, une avancée significative selon elle en matière de décentralisation des services de l’Etat.

« Une loi qui ramène à 5 les  18 provinces que comptait le Burundi, à  42 communes sur 119 communes, qui crée  451 zones qui ne se limitaient qu’à  399 et fixant à  344 le nombre de collines normalement comptées à  2911 à travers le pays, n’est que salutaire pour la population qui peinait à accéder sans peine aux sévices administratifs », a fait savoir Dative Ntabomfise  avant d’ajouter  que tous les services des ministères normalement déconcentrés  ont cette fois-ci été décentralisés au niveau communal.

Aussi, a-t-elle signalé, dans la nouvelle loi, il a été créé une « cellule d’audit et contrôle interne » qui n’était pas dans l’ancien texte, un organe selon elle, nécessaire pour la concertation communale.

Réagissant à chaud, ces organisations féminines n’ont fait que dénoncer les manquements constatés quant à la représentation féminine dans le texte en question, si bien que même les sphères décisionnelles accusaient déjà un faible taux de représentativité féminine notamment à la base au Burundi. Elles affichent alors un désarroi sur cette loi déjà en vigueur.

 Une loi moins sensible au genre

Rien ne rassure quant à la place de la femme dans les structures qui résulteront de la loi du 7 juin 2024, selon la représentante légale de l’association « Dushire hamwe » Pascasie  Sinzinkayo.

« Quoi que la constitution consacre 30% aux femmes de participation dans différentes instances de prise de décision, l’on remarque que cet effectif est légèrement atteint au niveau de l’Assemblée Générale, au niveau du Parlement, au niveau peut-être du Conseil des ministres et au niveau du Conseil communal. Mais force est de constater que le cadre légal reste muet pour ce qui est de la participation de la femme dans les postes non électifs (issus de nominations). » S’est indignée Pascasie Sinzinkayo.

« Pourquoi la nouvelle loi que nous venons dont nous espérions d’ailleurs du changement ne s’est pas penchée sur la question pour combler un déséquilibré existant déjà ?», s’interroge-t-elle.

Elle estime que des lois pareilles, moins sensibles au genre une fois votées, sont mises en application par ces hommes-mêmes qui ne veulent pas lâcher, qui ne veulent pas partager avec leurs sœurs les postes de prises de décisions, d’où les femmes ne peuvent pas en bénéficier grand-chose.  Pour Mme Sinzinkayo, les craintes ne peuvent pas manquer parce qu’il n’y a pas de référence pour réclamer cette dimension genre.

Et si l’on comptait sur ressources humaines sensibles au genre pour changer la donne ?

Abondant dans le même sens d’idées, Clémence Bununagi, représentante légale de l’organisation BLTP (Burundi Leadership Training Program), trouve qu’on ne peut plus espérer quelque chose au niveau du changement de la présente loi, parce qu’elle est déjà là et que la révision n’est pas chose facile. Seulement, dit cette activiste en même temps experte en genre, on doit placer la confiance chez les personnes qui vont gérer les postes communaux. Leurs attitudes par rapport à l’égalité homme-femme, la volonté politique de ces personnes. Il en est aussi pour ces gens-là qui auront besoin nécessairement de renforcement des capacités pour pouvoir bien gérer les différentes entités en rapport avec cette nouvelle réaffectation, cela pourrait aussi aider.

Elle appelle entre temps à la volonté politique capable de tout faire en faveur du changement, laquelle volonté peut même agir là où la loi est muette. Bununagi n’a pas laissé de côté le plaidoyer de différents acteurs afin de faire entendre aux décideurs ce besoin d’intégrer la dimension genre dans la loi en vigueur.

Une loi promulguée avant sa vulgarisation

Faisant son analyse, Monique Kayibanda, enseignante chercheur et spécialiste des questions du genre, a regretté l’absence de la vulgarisation de la loi portant réorganisation de l’administration communale au Burundi auprès même des femmes leaders. C’est ça le grand problème selon elle, parce que peu d’espaces de concertation ont été créés quand la loi était encore en projet. Au moins considère-t-elle, les femmes leaders, les organisations féminines allaient plaider la cause de son contenu, à propos des postes à pourvoir aux niveaux décentralisés. Or nul n’ignore que les préjugés et stéréotypes planent sur la femme surtout leur capacité dans les postes de prise de décisions.

Elle s’est montrée moins confiante quant aux opportunités de la femme quelle que soit la multiplication de postes dans les structures de base, si déjà elle était à moins de 20% de représentations dans les instances décisionnelles dans les collines. Selon elle, il faillait que la loi soit vulgarisée pour éveiller la conscience des femmes et d’inviter toutes les parties prenantes à se sentir impliquées pour sensibiliser les femmes capables à se mesurer dans les postes nouvellement crées, et les moins capables à voter pour leurs consœurs.

La balle au camp des femmes elles même

Interrogée à propos, la directrice en charge de la décentralisation n’est pas allée par quatre chemins : « La balle est dans le camp des femmes. L’on n’a pas beaucoup pris en compte la dimension de la représentation féminine dans l’élaboration du projet de loi portant réorganisation de l’administration communale en vigueur. Le premier souci était le pouvoir décentralisé et la femme est incluse dans le reste de la population. Mais le problème est que dans leur nature, les femmes ne préfèrent pas prendre les devants dans les postes du genre notamment à la base comme dans les activités intellectuelles », a expliqué Dative Ntabomfise

Elle garantit entre temps qu’une fois répondu au test de recrutement, sûrement que les femmes seront recrutées si bien sûr le critère d’égalité hommes-femmes était déjà pris en compte lors de l’affectation du personnel aux différents ministères, avant d’inviter ses consœurs à la compétitivité et au mérite dans les organes de prise de décisions du sommet à la base.

Parmi les innovations apportées par la loi organique portant réorganisation de l’administration communale au Burundi dans le but de mieux satisfaire les besoins de la population et promouvoir le développement, 11 départements seront créés au sein de chaque commune conforment à l’article 55, au moment où la 60ème disposition prévoit l’instauration de 9 organes consultatifs au sein de chaque commune.

 

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